Le Parlement de Catalogne a adopté vendredi une résolution déclarant que la région devient un "Etat indépendant prenant la forme d'une République", une rupture sans précédent en Espagne. Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a immédiatement réagi sur Twitter en promettant de "restaurer la légalité" en Catalogne. Après avoir obtenu l'accord du Sénat espagnol, Mariano Rajoy a annoncé la destitution du président catalan, Carles Puigdemon, la dissolution du parlement de Catalogne et la tenue de nouvelles élections régionales le 21 décembre.
Le parquet général d'Espagne engagera la semaine prochaine une procédure judiciaire contre le président catalan Carles Puigdemont pour "rébellion", a indiqué un porte-parole du ministère public
Nous avons gagné la liberté de construire un nouveau pays
La résolution a été adoptée vers 15h30 en l'absence de l'opposition, qui avait quitté l'hémicycle, par 70 voix pour, dix voix contre et deux abstentions. Les partis séparatistes (allant de l'extrême gauche au centre droit) sont majoritaires en sièges (72 sur 135) au parlement catalan.
Les élus ont ensuite entonné l'hymne nationaliste et crié "Vive la Catalogne!". La résolution demande à l'exécutif catalan de négocier sa reconnaissance à l'étranger, alors qu'aucun Etat n'a manifesté son soutien aux indépendantistes.
A l'extérieur du parlement, plusieurs dizaines de milliers de manifestants indépendantistes ont salué par des clameurs de joie l'annonce du résultat. "Oui, nous avons gagné la liberté de construire un nouveau pays", a tweeté le vice-président catalan Oriol Junqueras. Cette résolution constitue "la République catalane, comme Etat indépendant et souverain, de droit, démocratique et social".
L'opposition quitte le Parlement catalan
Avant ce vote, l'opposition avait quitté l'hémicycle, laissant derrière elle des drapeaux de Catalogne et de l'Espagne, côte à côte sur les sièges du parlement.
Brandissant la résolution, Carlos Carrizosa, du parti anti-indépendantiste Ciudadanos, avait déclaré: "Ce papier que vous avez rédigé détruit ce qu'il y a de plus sacré, la coexistence" en Catalogne. "Comment a-t-on pu en arriver là?", s'est demandé Alejandro Fernandez du Parti populaire (conservateur) de Mariano Rajoy, évoquant "un jour noir pour la démocratie".
Le Sénat espagnol donne le feu vert pour mettre sous tutelle la Catalogne
"L'Etat de droit restaurera la légalité en Catalogne", a tweeté le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy immédiatement après le vote. Le dirigeant conservateur a demandé à tous les Espagnols de "garder leur calme", dans un message signé de ses initiales, tandis que le Sénat débattait de la mise sous tutelle de la Catalogne et de la destitution de ses dirigeants indépendantistes.
Le Sénat espagnol a ensuite autorisé le gouvernement de Mariano Rajoy à prendre des mesures de mise sous tutelle de la Catalogne, qui comprennent notamment la destitution de ses dirigeants indépendantistes. La proposition du gouvernement, basée sur l'article 155 de la Constitution, a été approuvée par 214 voix pour, 47 contre et une abstention, et sera notamment transmise au gouvernement central et à l'exécutif catalan, a déclaré le président du Sénat, Pio Garcia-Escudero.
Suite à ce feu vert, Mariano Rajoy a annoncé vendredi soir la destitution du président catalan Carles Puigdemont et de son exécutif, la dissolution du parlement régional, et la convocation d'élections le 21 décembre en Catalogne. "Ce sont les premières mesures que nous mettons en marche pour éviter que ceux qui étaient jusqu'à maintenant responsables de (l'exécutif catalan) puissent poursuivre leur escalade de désobéissance", a-t-il déclaré à l'issue d'un Conseil des ministres convoqué après le feu vert du Sénat à la mise sous tutelle de la Catalogne.
Le parquet poursuivra le président catalan pour rébellion
Le parquet général d'Espagne engagera la semaine prochaine une procédure judiciaire contre le président catalan Carles Puigdemont pour "rébellion", a indiqué un porte-parole du ministère public. "Le parquet présentera une plainte la semaine prochaine pour rébellion contre Carles Puigdemont", un délit puni d'une peine de prison allant jusqu'à 30 ans, a indiqué à l'AFP ce porte-parole. Cette procédure pourrait "peut-être être élargie au reste du gouvernement catalan et au bureau des présidents" de l'assemblée catalane, a indiqué cette source.
Suspendre l'autonomie: une mesure délicate
L'article 155 est une mesure délicate à appliquer. Pour la Catalogne, il suppose un recul important, qui rappellerait la dictature de Francisco Franco (1939-1975) pendant laquelle elle avait été privée de cette autonomie.
Le gouvernement espagnol affirme cependant qu'il veut uniquement en faire usage pour "restaurer l'ordre constitutionnel", pendant six mois, face aux menaces de sécession des indépendantistes. Il promet d'y organiser des élections au plus vite, dans un délai de six mois maximum.
Mais la mesure choque d'autant plus localement que c'est justement autour du débat sur les compétences de la Catalogne, meurtrie par l'annulation partielle en 2010 par la justice d'un statut lui conférant de très larges pouvoirs, que s'est nouée la crise actuelle.
Les banques catalanes accentuent leur chute à la Bourse de Madrid
Les conséquences de la déclaration d'indépendance comme de la mise sous tutelle de la région par l'Etat sont incalculables. Inquiètées par l'insécurité juridique, plus de 1.600 sociétés ont déjà décidé de transférer leur siège social hors de Catalogne, agitée depuis des semaines par des manifestations pour et contre l'indépendance.
Les banques catalanes accentuaient leur chute vendredi à la Bourse de Madrid après la proclamation de l'indépendance de la Catalogne par le parlement régional, CaixaBank, troisième banque espagnole, perdant environ 5% et Banco Sabadell 6% vers 15h50. Banco Santander, première banque de la zone euro, perdait environ 2,5% tandis que la baisse de l'Ibex-35, indice vedette espagnol, restait sensiblement au même niveau que depuis le début de la séance, à environ -1,7%. Le parlement de Catalogne a voté vers 15h30, à majorité absolue, en faveur de la résolution exhortant l'exécutif régional indépendantiste à déclencher la sécession de la région, à raison de 70 voix pour, 10 contre et 2 abstentions. La résolution déclare la Catalogne comme Etat indépendant sous forme de République.
La Catalogne n'en est pas à sa première tentative d'indépendance
La Catalogne n'en est pas à ses premières tentatives d'éloignement du gouvernement central. Mais son exécutif n'était jamais allé aussi loin. Et le dernier épisode remonte à plus de 80 ans. C'était en 1934. Le 6 octobre, le président du gouvernement autonome de Catalogne, Lluis Companys, proclamait un "Etat catalan dans le cadre d'une République fédérale d'Espagne".
"Catalans!" s'écriait-il alors depuis le balcon du siège du gouvernement catalan. "En cette heure solennelle, au nom du peuple et du Parlement, le gouvernement que je préside assume tous les pouvoirs en Catalogne, proclame l'Etat catalan de la République fédérale espagnole".
La réponse du gouvernement ne s'était pas fait attendre: Le commandant militaire en Catalogne avait proclamé l'état de guerre. Les affrontements avaient fait entre 46 et 80 morts, selon les historiens.
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