Les députés portugais ont définitivement adopté mercredi un budget 2016 qui promet de réduire l'austérité tout en maîtrisant les déficits, laissant une étroite marge de manoeuvre au gouvernement socialiste, tiraillé entre ses alliés de la gauche radicale et les autorités européennes.
"C'est un budget responsable" qui respecte à la fois "les promesses de la majorité parlementaire et les règles de la zone euro", s'est félicité le Premier ministre Antonio Costa à l'issue du vote.
Le Parti socialiste et les formations de gauche antilibérale (Bloc de gauche, Parti communiste et Verts) ont voté ensemble en faveur de la loi de finances, une première dans l'histoire de la démocratie portugaise. Le texte a été rejeté par l'ensemble de l'opposition de droite.
Arrivé au pouvoir en promettant de mettre fin à la politique d'austérité menée depuis 2011, M. Costa avait aussi réussi la prouesse d'obtenir le mois dernier le feu vert de Bruxelles, qui avait toutefois pointé du doigt un risque de non conformité" avec les règles budgétaires européennes.
Le vote de ce budget "prouve que ce gouvernement a une base solide au Parlement", où il a conclu une alliance avec la gauche radicale dans la foulée des élections législatives du 4 octobre, a commenté à l'AFP le politologue Antonio Costa Pinto.
"Mais le climat d’incertitude demeure, car Bruxelles pourrait demander de nouvelles mesures en mai", lors de sa prochaine évaluation du budget portugais, a-t-il ajouté.
"Le plus difficile reste à faire, a prévenu la députée du Bloc de gauche Mariana Mortagua. Il faut avoir le courage de mettre en oeuvre ces choix avec le soutien des forces sociales qui défendent le pays contre la bureaucratie européenne."
- Hausse du pouvoir d'achat -
Selon M. Costa, les Portugais vont gagner du pouvoir d'achat: le budget 2016 supprime notamment les coupes dans les revenus des fonctionnaires, allège une surtaxe sur les salaires et revalorise les prestations sociales.
Mais pour obtenir l'aval de Bruxelles, le gouvernement socialiste a dû revoir à la baisse son objectif de déficit public, à 2,2% du PIB, contre 4,3% en 2015, et décidé une série de hausses d'impôts indirects, notamment sur les carburants et le tabac.
"Ce budget donne d'une main ce qu'il reprend de l'autre" en même temps qu'il "fait fuir les investisseurs", a critiqué Luis Montenegro, chef de file des députés du Parti social-démocrate (PSD, centre droit).
Signe de l'inquiétude des marchés, le pays a dû consentir mercredi dernier des taux d'intérêt en nette hausse pour lancer des emprunts à cinq et dix ans.
Le Portugal avait difficilement regagné accès aux marchés financiers à l'issue d'un plan d'aide international, assorti d'une sévère cure de rigueur budgétaire menée par le précédent gouvernement de droite.
- Risque de dérapage -
Depuis l'adoption du budget en première lecture, M. Costa a fait quelques concessions supplémentaires à ses alliés de gauche, telles que l'application automatique du tarif social de l'électricité ou encore la gratuité des manuels scolaires.
Alors que la dette publique du Portugal frôle toujours les 130% du PIB, Bruxelles a demandé à Lisbonne d'avoir des mesures prêtes en cas de dérapage des finances publiques. Le gouvernement a répété qu'il respecterait ses objectifs sans y avoir recours.
Mais "tout dépendra du succès de sa stratégie, qui repose sur l'augmentation de la consommation des ménages" pour doper une croissance économique encore timide, résume M. Costa Pinto. Et si Bruxelles venait à exiger de nouveaux efforts, le Premier ministre "devra négocier des mesures compatibles avec les accords" conclus à gauche, prévoit le politologue de l'Université de Lisbonne.
Antonio Costa devra toutefois cohabiter avec le nouveau président de centre droit, Marcelo Rebelo de Sousa, qui a pris ses fonctions la semaine dernière et qui, à partir du mois d'avril, disposera du pouvoir de dissoudre le Parlement et provoquer des élections anticipées.
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