Yvette a hérité d'une petite maison située à Mons-Flémalle suite au décès de sa maman en 2015. Mais un locataire occupait les lieux depuis plus de 20 ans, et avait pris la fâcheuse habitude de ne pas payer le loyer. Au bout de trois années de procédures, Yvette est parvenue à le faire expulser, mais il lui a laissé le bien dans un bien mauvais état.
Yvette a hérité d'une petite maison qui appartient à sa famille depuis plusieurs décennies. "C'est une petite maison à Mons-Flémalle, à 10 kilomètres de Liège, qui appartenait à mes grands-parents. Il y a plus ou moins 25 ans, elle est revenue à ma maman. Puis ma maman est décédée en 2015, donc elle m'est revenue", nous a-t-elle confié via le bouton orange Alertez-nous.
Un arrangement regrettable
Le hic pour Yvette, c'est que cette maison n'était pas vide, ni en bon état. Plutôt qu'un charmant petit habitat prêt à accueillir un couple ou une famille, ce bien immobilier, Yvette l'assimile plutôt à un ensemble d'ennuis qui lui ont explosé à la figure. "Mon père avait trouvé un accord avec un monsieur du village. Ensemble, ils étaient liés par un contrat de bail, dont le loyer était très peu élevé, depuis 25 ans. Mais ils avaient un arrangement: le locataire s'étant présenté comme quelqu'un de manuel et débrouillard, il ne devait quasi rien payer s'il remettait la maison à neuf. Une très mauvaise idée", rumine Yvette.
En 2015, quand elle hérite de la maison, Yvette découvre l'état catastrophique de la maison. "C'était épouvantable. On s'est tout de suite rendu compte qu'il ne savait tout simplement pas travailler, ni bricoler. Mais c'était bien pire que ça encore, parce qu'il avait fait des agrandissements, très mal à tel point que ça prend l'eau, mais en plus sans jamais demander de permis".
"Il a profité de la vieillesse de mes parents"
Yvette entre donc en contact avec le locataire et exige qu'il paie désormais son loyer. "Malgré les indexations, ce n'était que 300 euros par mois. Vu qu'il n'entretenait pas du tout la maison comme convenu depuis des années avec mon père, il n'y avait pas de raison qu'il ne paie pas. Mais bon, il ne l'a jamais fait", déplore-t-elle avant d'ajouter : "Je me suis alors vite rendue compte que mon père, à qui la maison n'a jamais appartenu mais qui s'en est occupé quand ma mère était en vie, m'avait un peu refilé la patate chaude, dans le sens qu'il n'osait plus s'opposer à cet homme qui se présentait d'ailleurs comme le propriétaire de la maison dans le quartier. Très rapidement, il a profité de la vieillesse de mes parents pour ne jamais payer, et il les a manipulés. Une fois que j'ai commencé à gérer les choses, après le décès de ma maman, mon papa me l'a d'ailleurs avoué à demi-mot, indiquant qu'il préférait ne pas avoir de problèmes, par crainte", affirme-t-elle.
Face à la situation, la nouvelle propriétaire s'est d'abord rendue à la police. Mais ce n'est pas la marche à suivre. "La police n'a rien à voir là-dedans. C'est un contentieux entre un locataire et un propriétaire, entre deux personnes privées. C'est donc du ressort de la justice civile, et non pas du pénal. C'est un juge de paix qui est compétent. Aller à la police ne sert à rien", a expliqué Olivier Hamal, président du syndicat national des propriétaires et copropriétaires (SNPC).
Dès 2015, Yvette va donc chez le juge de paix de Grâce-Hollogne pour exiger une mesure d'expulsion. Mis au courant de ses démarches, son locataire demande à être défendu par un avocat. "Vu qu'il a des revenus modestes et qu'il a deux enfants à charges, il a eu droit à un avocat pro deo. Et comme cela ne lui coûte pas un euro, il a fait traîner les choses au maximum", déplore encore la propriétaire. "Sans compter qu'il y a eu un tas d'audiences qui ont été annulées et postposées. A chaque fois c'est plusieurs semaines qui sont perdues", ajoute-t-elle.
Ne pas traîner car la démarche peut être longue
Selon Bénédicte Delcourt, la directrice du Syndicat national des propriétaires et copropriétaires, un propriétaire ne doit pas tergiverser avant d'entamer de telles démarches, car la procédure peut prendre un certain temps. Déjà, le délai minimum entre l’introduction d’une procédure en expulsion auprès d’un tribunal de paix et l’expulsion de locataires par la police est en effet de 3 à 4 mois. "Et ça, c’est si tout se passe parfaitement et ne prend aucun retard", note-t-elle.
Pour Yvette, il faudra attendre... beaucoup plus longtemps. Pour cause, des audiences postposées, mais surtout un document signé par les deux parties après près d'un an de procédure. Il stipule qu'Yvette a trouvé un arrangement avec son locataire qui lui rachètera la maison pour 40.000 euros. "Ce n'est pas beaucoup, mais au moins comme ça je serais débarrassée de tous les ennuis. C'est du moins ce que je pensais", explique-t-elle. Mais la promesse d'achat ne sera jamais honorée. Officiellement, le candidat acheteur n'aurait jamais obtenu un emprunt de la part d'une banque. Yvette, elle, ne croit pas à cette version. "Il savait qu'il n'aurait jamais son emprunt, et je ne suis pas sûre qu'il ait un jour essayé de l'avoir. Mais en attendant, il a encore gagné un an et demi de logement à l'oeil".
Yvette récupère une maison dans laquelle "même un chien ne vivrait pas"
Finalement, notre témoin devra attendre mars 2018 pour que son locataire reçoive l'ordre de quitter sa maison. Et deux mois de plus pour qu'il s'exécute. Bref, presque trois ans ! Et encore, Yvette n'est pas au bout de ses ennuis. "Dans la maison, tout est détruit. C'est épouvantable, même un chien n'y vivrait pas. Et il a laissé derrière lui tous ses déchets. Il y a même trois voitures sur le terrain, des épaves. J'ai fait venir une société pour savoir ce que cela me coûterait de faire tout évacuer. Ils m'ont dit que ce serait entre 5.000 et 6.000 euros".
A la note s'ajoutent également des travaux à réaliser. Tout d'abord détruire l'extension construite "sans permis" et "qui ressemble à du bricolage mal fait", et ensuite remettre l'intérieur en ordre. Mais fatiguée, Yvette n'a pas l'intention de les réaliser et préfère vendre sa maison en l'état. "J'en demanderai donc une toute petite somme. 40.000 euros, comme l'arrangement trouvé chez le juge de paix, mais du coup en l'état. Bien sûr cela fait beaucoup d'argent perdu, mais je préfère que cette histoire soit derrière moi".
Quels droits pour les propriétaires lésés ?
Pour ces pertes, Yvette pourrait se retourner contre son locataire, d'autant plus que pour la procédure judiciaire chez le Juge de Paix, un expert a constaté les faits. "Dans des cas tels que celui-ci, avec des dégâts manifestes, l'intérêt d'aller devant le juge est encore plus grand car le jugement a énormément de chances d'être en faveur du propriétaire. Et c'est important à préciser: le montant à rembourser peut parfois être bien plus conséquent que la garantie locative", précise Olivier Hamal.
Mais Yvette ne compte pas poursuivre en ce sens, son ancien locataire étant "insolvable", la démarche serait vaine. "Il le sait très bien. Et d'ailleurs, juste avant de partir, il a enlevé toutes les serrures et les poignées des portes et fenêtres. Il a laissé couler l'eau dans la cave et n'a pas résilié ses contrats de gaz et électricité. Je m'attends aussi à ce qu'ils me fassent payer la note", déplore-t-elle.
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