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Victime d'un délit de fuite, Sébastien reçoit 8 mois plus tard un étrange courrier de l'assurance: "Soit je suis dingue, soit il y a un truc qui déconne"

Victime d'un délit de fuite, Sébastien reçoit 8 mois plus tard un étrange courrier de l'assurance: "Soit je suis dingue, soit il y a un truc qui déconne"
 
Assurance
 

Une compagnie d'assurance qui veut faire signer un formulaire de désistement de plainte, dans le but d'influencer la justice. La pratique est de moins en moins courante, selon le Parquet de Namur, mais elle existe bel et bien. Cependant, ses effets sont très limités. Explications.

Quelle que soit la raison (généralement l'alcoolémie ou le défaut d'assurance), certains conducteurs ayant provoqué un accident s'enfuient au lieu de remplir un constat. Même si le phénomène est constant sur les dix dernières années (+2,8%), les délits de fuite sont un casse-tête pour les victimes, la justice et les assurances. "En 2019, il y a eu 4.458 accidents avec délit de fuite en Belgique, soit plus de 12 par jour !", nous explique Benoit Godart, porte-parole de VIAS, l'Institut de Sécurité Routière.

Sébastien en a fait les frais il y a quelques mois, un matin de décembre. Il était assuré et a été indemnisé, mais il a récemment reçu un courrier d'assurance qui l'interpelle. "On me demande ma signature afin que je renonce à toute plainte pour classer l'affaire sans suite ! C'est un pur scandale, notamment par rapport à la police qui a fait son travail, et par rapport aux assurances qui ont dû payer", s'insurge-t-il après avoir contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous.

On a du racheter deux voitures en urgence, je vous raconte pas le bordel

Un chauffard percute les deux voitures de la famille, et s'enfuit

C'est le week-end du 8 décembre dernier que l'accident a eu lieu. "C'était en pleine nuit, sans doute vers 1h ou 2h du matin. On n'a rien entendu et pourtant, vu comment les voitures ont bougé d'un bon mètre sous le choc, ça a du faire du bruit !", nous explique notre témoin de la région de Fernelmont (Namur).

Ce n'est que le lendemain que l'incident a été constaté. "Le matin, on a été réveillé par notre voisin". Et ils ont vu l'ampleur des dégâts. Un chauffard a percuté violemment les deux voitures de cette petite famille dont Sébastien est le père, avant de prendre la fuite. "Résultat: elles étaient toutes les deux déclassées".

Pas très pratique quand on a deux petits enfants en bas-âge. "On a dû racheter deux voitures en urgence, en pleine période des fêtes. Vivant à la campagne, je ne vous raconte pas le bordel que ça a généré pendant nos congés. Surtout avec deux enfants en bas âge qui ne comprenaient rien à toute cette effervescence", nous confie le jeune trentenaire.

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Son assurance omnium intervient, la police traque l'auteur du délit de fuite

Heureusement pour lui, la voiture de Sébastien et celle de son épouse étaient encore assurées sous omnium. Cela signifie qu'il a été indemnisé rapidement par son assureur, alors que s'il n'avait qu'une assurance basique (RC), il aurait fallu attendre de retrouver le chauffard pour faire jouer son assurance à lui.

Bien logiquement, la police a été appelée dès le constat de l'accident et du délit de fuite. Sébastien, écœuré, veut que le responsable réponde de ses actes. Une plainte a donc été déposée. "On a rapidement lancé un appel à témoin, qui a été bien relayé sur les réseaux sociaux, et même via la presse locale".

La police n'avait trouvé aucun indice sur place au départ, "mais en déblayant les alentours avec les dépanneurs, on a retrouvé un phare antibrouillard qui ne nous appartenait pas". Sébastien l'a fourni à la police, qui a finalement retrouvé l'auteur du délit de fuite. "Il avait planqué sa voiture derrière chez lui. Mais il a avoué rapidement, d'après la police".

Un étrange courrier pour "classer l'affaire sans suite"

Les mois passent et en juillet 2020, Sébastien reçoit un courrier étonnant. "Il m'a été transmis par mon courtier. C'est une lettre émanant de l'assureur Vivium qui me demande, via un petit formulaire, ma signature m'engageant à renoncer à toute plainte, afin de classer l'affaire sans suite".

Notre témoin de la région namuroise n'en revient pas et téléphone à son courtier. "Il me dit 'Bonjour, la compagnie me confirme que c’est le Parquet qui demande ce genre de document pour voir s’il peut classer l’affaire sans suite. Vous pouvez bien évidemment refuser de signer ce document, c’est votre droit !' Pardon ? Donc si je comprends bien, la police se démène pour retrouver l'individu, elle y parvient, et au moment de lui faire comprendre que c'est un bel irresponsable (pour ne pas dire autre chose), on me dit de laisser tomber, genre 'On s'en fout, classons sans suite'", ironise-t-il.

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Une "vieille pratique" ?

Nous avons contacté le Parquet de Namur pour en savoir plus. "C'est devenu rare que le parquet reçoive ce genre de courrier. Il fut un temps où en avait plus", nous a expliqué Charlotte Fosseur, magistrate de presse.

En réalité, ces courriers ne sont pas du tout une demande du parquet. Ils sont exclusivement issus de l'initiative des compagnies d'assurance. "Ce sont des informations supplémentaires, qui nous apprennent qu'au niveau financier, la situation est réglée".

Des données purement indicatives, cependant. "On en tient de toute façon pas vraiment compte: le parquet a une politique criminelle, en fonction de laquelle certains faits sont cités automatiquement, d'autres pas. Ce n'est pas un courrier d'une assurance qui va transformer notre politique criminelle".

Parfois, reconnait le parquet de Namur, ça peut servir. "Quand on a des doutes, qu'on se demande ce qu'on va faire: on cite (l'auteur des faits à comparaître devant la justice) ou on ne cite pas ? Alors peut-être que le fait de savoir que tout le monde a été payé, que le problème est résolu au niveau financier, peut faire pencher la balance. Et parfois, ça peut arranger tout le monde. Mais en général, on ne tient pas compte de ça".

En l'occurrence, "notre politique criminelle pour un délit de fuite, c'est qu'on cite ; et d'ailleurs, l'auteur des faits va bientôt être cité à comparaître devant le tribunal de police", pour s'expliquer et le cas échéant, se voir infliger une peine.

De quoi soulager la conscience de Sébastien: non, la justice ne souhaite pas classer le délit de fuite sans suite. Mais alors, quel est le but de ce courrier ?

S'il y a citation devant le tribunal, la compagnie doit mandater un avocat, tout ça va leur coûter aussi

Plutôt un moyen d'économiser de l'argent…

C'est encore et toujours une affaire de gros sous. Après avoir contacté l'assurance à l'origine du courrier, nous avons compris qu'il s'agissait de celle… de l'auteur du délit de fuite, qui a embouti les deux voitures de Sébastien.

"Nous avons indemnisé la partie adverse en RDR (une procédure simplifiée) et sollicité un désistement de plainte afin que notre assuré puisse éviter des poursuites judiciaires et bénéficier d’une transaction pénale", nous a expliqué le porte-parole de Vivium.

Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'en évitant des poursuites judiciaires, l'accusé ferait économiser de l'argent à Vivium, qui couvre les frais de justice, comme la plupart des contrats d'assurance. "S'il y a citation devant le tribunal, la compagnie doit mandater un avocat, tout ça va leur coûter aussi", suppose la magistrate que nous avons interrogée.

En demandant un tel courrier, Vivium espère que Sébastien va le signer. Elle l'enverrait alors au parquet, pour tenter d'influencer son choix de classer l'affaire sans suite, évitant des frais supplémentaires à sa charge.

Mais vous l'avez compris, ça n'est pas aussi simple, la justice ne se laisse (heureusement) pas influencer par les assureurs…

Sans oublier l'essentiel: "Je n'ai pas signé ce document, évidemment", conclut Sébastien. L'affaire suit donc son cours.


 

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