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Un caneton battu à mort en direct sur Facebook: que faire concrètement quand on voit une telle vidéo?

Un caneton battu à mort en direct sur Facebook: que faire concrètement quand on voit une telle vidéo?
 
caneton, Facebook
 

Un vidéo montrant un jeune homme donner de violents coups de pied à un caneton a été diffusée en direct sur les réseaux sociaux il y a quelques jours. De nombreux internautes se sont choqués de la scène, et se sont demandés ce qu’il fallait faire pour que l’auteur soit poursuivi. Le premier réflexe à avoir est de signaler la vidéo. La maltraitance animale est un délit, et l’auteur risque des poursuites judiciaires.

Des faits de cruauté envers les animaux sont souvent rapportés auprès des forces de police. La semaine dernière, après une soirée trop arrosée, quatre adolescents ont tué volontairement 13 volailles et un lapin, dans une ferme pédagogique de Méry-sur-Seine en France. Ils ont aussi blessé quatre autres animaux, dont un mouton, qui a dû être euthanasié. Ils ont reconnu les faits, et le juge les a notamment mis en examen pour actes de cruauté envers des animaux. On le voit, de tels faits sont de moins en moins tolérés par la justice. Ils se déroulent aussi sur le net. Certains pensent qu’ils n’y risquent rien, mais c’est loin d’être la réalité.

Vous avez été nombreux à nous contacter via le bouton orange Alertez-nous, pour nous signaler une scène très violente, qui s’est déroulée il y a peu de temps sur les réseaux sociaux. "Je viens de tomber sur cette vidéo. Un garçon fait preuve d'une extrême violence envers un petit caneton", nous signale Noémie. "Les images sont dures à regarder! Mais cette vidéo ne fait que tourner sur les réseaux sociaux", prévient Lyoum. "Un homme qui a eu un différend familial a lancé une vidéo en direct où on peut le voir tuer un caneton", s’attriste Tiffany. "J'ai eu du mal à finir la vidéo tellement les images que j'ai reçues étaient trop choquantes", ajoute Priscilla.

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Cette vidéo semble avoir été diffusée en direct sur Facebook, en attestent les commentaires qui s’ajoutent en temps réel en bas de celle-ci. On y voit un jeune homme, filmé avec un smartphone, s’adresser à quelqu’un d’autre au travers de la caméra. Il reste d’abord statique et profère plusieurs insultes. Mais la scène devient ensuite beaucoup plus insoutenable. Il se déplace dans la pièce et se dirige vers un petit canard, caché derrière une valise. L’animal tente de s’enfuir, mais il le chasse et commence à lui donner des coups de pied extrêmement violents. Le corps de l’animal est projeté contre le mur. Le jeune homme répète ces gestes à plusieurs reprises. L’horrible scène dure une trentaine de secondes. "Tu le vois ton canard ? Voilà ce que j’en fais, moi", clame-il à la fin de la vidéo. Nous avons décidé de ne pas l’insérer dans cet article, vu la violence qu’elle véhicule. Elle a été d'ailleurs supprimée depuis des réseaux sociaux.



Que peut-on faire face à ce genre de situation?

En tant qu’internaute, on peut se sentir démuni, lorsque l’on tombe sur de telles vidéos. La première chose à faire, c’est essayer de la faire disparaître des réseaux sociaux, pour qu’elle ne puisse plus être visionnée. "On a une fonction qui est offerte par l’intermédiaire de Facebook concernant les contenus offerts par notre fil info", explique Olivier Bogaert, commissaire à la Computer Crime Unit. "Il faut signaler la publication, en cliquant sur les trois petits points en haut de celle-ci."

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En choisissant cette option, vous serez amenés à décrire la situation que vous dénoncez, via une liste non-exhaustive: nudité, discours haineux, contenu vulgaire, etc. En cliquant sur la proposition "autre chose", d’autres types de suggestions s’affichent: actes sexuels, intimidation, irrespect des victimes, mais aussi maltraitance animale. C’est donc ce chemin qu’il faut suivre dans de pareilles circonstances.

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La manipulation est tout à fait la même, dans le cas de vidéos diffusées en direct sur Facebook, comme c’est le cas ici. "Ces vidéos peuvent être signalées par les autres utilisateurs comme tout autre contenu Facebook", confirme Mahault Piéchaud Boura, juriste chez Timelex à Bruxelles, un cabinet d'avocats spécialistes des technologies de l'information. Et c’est le cas, même après la diffusion de la vidéo. "Les vidéos Facebook Live sont toujours disponibles sur la page Facebook de l’utilisateur après la fin de la diffusion en direct. Le contenu posté via Facebook Live ne diffère pas du contenu Facebook classique."


"Des algorithmes vont analyser ce qu’a envoyé l’internaute"

Une fois l'opération terminée, votre signalement est envoyé à Facebook, comme c’est le cas pour tout avis de ce type. "Dans un premier temps, il y a un traitement numérique qui va être fait", détaille Olivier Bogaert, de la Computer Crime Unit. "Des algorithmes vont analyser ce qu’a envoyé l’internaute. Et ensuite, en fonction de cela, ce sont des humains qui prennent le relais. Ils pourront aller voir la vidéo en question, et vérifier si elle est bien en règle par rapport aux normes de Facebook."

Facebook a en effet dressé, en ligne, ses standards de communauté. Ce sont des sortes de règles, qui fixent ce qui peut et ne peut pas être publié sur le réseau social. Parmi le contenu répréhensible, il y a les actes violents et explicites, à l’égard de personnes ou d’animaux réels. Vous ne pouvez pas, selon ces standards de communauté, publier de telles images "accompagnées de texte ou de commentaires présentant de la satisfaction procurée par la souffrance, (…) par l’humiliation, une réaction de nature érotique procurée par la souffrance, des remarques favorables sur la violence, ou des remarques indiquant que la personne à l’origine de la publication partage le contenu dans un contexte sensationnel."


La maltraitance envers les animaux est prise en compte

Le réseau social tente déjà de préserver les âmes les plus sensibles, en opérant un filtre, au travers de son panneau d’avertissement de contenus violents. "Nous affichons un avertissement afin d’informer les gens qu’il s’agit de contenus potentiellement dérangeants. Nous réservons également ces types de contenus aux adultes âgés de 18 ans et plus", peut-on encore lire dans le texte. Celui-ci définit aussi ce qu’est la maltraitance envers les animaux:

"• Une personne qui donne de nombreux coups de pieds à un animal ou le frappe à plusieurs reprises

• Des actes de torture perpétrés par une personne sur des animaux

• Une personne mordant un animal à des fins d’agression

• Des images de combats d’animaux avec des entrailles exposées ou un démembrement visible, sauf en milieu naturel

• Des animaux tués ou mutilés lors de parties de chasse ou dans un contexte de fabrication, de préparation ou de transformation d’aliments"

Il est évident que la vidéo du caneton correspond à ces critères de maltraitance. C’est pour cela qu’elle a été supprimée par les modérateurs. "Le lien que vous avez suivi est peut-être rompu, ou la page a été supprimée", lit-on sur Facebook. Même type de message sur la plateforme vidéo Youtube: "Cette vidéo a été supprimée, car elle ne respectait pas les règles de YouTube concernant le contenu visuel choquant ou violent."

Il reste un équilibre difficile entre la suppression ou d'autres droits ou libertés

Cependant, il est compliqué, pour un modérateur, de savoir quand il doit intervenir. "Ils agissent selon des instructions strictes, mais parfois il reste un équilibre difficile entre la suppression ou d'autres droits ou libertés, comme l'expression artistique dans le cas du nu artistique, ou la liberté d'expression", explique Mahault Piéchaud Boura, juriste à Bruxelles.


Les données de l'auteur seront conservées

Le fait de supprimer la vidéo ne veut pas dire la faire disparaître des serveurs. Il y aura toujours une trace de ce genre de contenus, puisque son auteur peut être puni, même si ce n’est pas toujours le cas. "La maltraitance des animaux est un délit et une vidéo peut mener à une enquête. Si nécessaire, les organisations de défense des droits des animaux pourraient également agir si elles ont un intérêt." C’est ce que confirme Olivier Bogaert: "Les données de la personne qui a diffusé la vidéo vont être stockées. Si une procédure judiciaire devait être ouverte, quelque part dans le monde, envers ce cas, on peut imaginer que la procédure demande à Facebook de fournir des données techniques." Elles permettront d’identifier le protagoniste de la vidéo, mais surtout d’apporter des preuves aux faits qui lui sont reprochés.

Bien entendu, il faut faire la différence entre celui partage la vidéo, parce qu’il en est l’auteur, et celui qui le fait parce qu’il dénonce les actes. "Le partage de la vidéo ne signifie pas nécessairement que la personne approuve les faits, généralement au contraire", détaille Mahault Piéchaud Boura. Tout dépend du contexte. "Si vous le partagez et dites que c'est terrible, il y a peu de chances que vous couriez un risque. Si vous le partagez et encouragez les faits, vous pouvez être complice."

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Des peines de prison et des amendes

Dans ce cas-ci, les faits semblent s’être produits ailleurs qu’en Belgique. Les lois sur la protection et le bien-être animal sont à chaque fois différentes. Chez nous, elles dépendent des Régions. "En Belgique, à l’heure actuelle, la Région la plus avancée quant à la légalité en termes de maltraitance animale, c’est la Wallonie", estime Rafal Naczyk, responsable communication chez Gaia, l’organisation de défense des droits des animaux. Depuis janvier 2019, la Région wallonne a mis en place un Code du bien-être animal. "Il a avancé l’avantage de pouvoir punir plus sévèrement les auteurs de maltraitance animale."

Les normes wallonnes sont en effet très strictes. "Quand des cas de maltraitance animale sont constatés, on peut encourir jusqu'à 15 ans de prison, et recevoir une amende pouvant aller jusqu'à 10 millions d'euros." Les peines sont moins élevées en Région bruxelloise. "On risque une sanction pénale de 50 à 100.000 euros, et en cas de circonstances aggravantes, elles peuvent varier de 250 à 300.000 euros. Quant aux peines d’emprisonnement, elles sont comprises entre 8 jours et 2 ans et entre 3 mois et 3 ans en cas de circonstances aggravantes", détaille encore Rafal Naczyk. Bruxelles-Environnement peut aussi prononcer des sanctions administratives, dans le cas où le Parquet ne prend pas de sanctions pénales. Elles varient de 50 à 62.500 euros.

On voudrait former une police des animaux

Cependant, dans la pratique, les peines sont bien moins élevées. Les juges ont tendance à considérer les animaux comme des "victimes de second ordre", selon le porte-parole de Gaia. Les peines sont souvent symboliques, et il y a peu d’amendes en réalité. Ainsi, Rafal Naczyk pointe du doigt la peine de travail requise à l’encontre d’un homme qui a battu à mort son chat à Huy, en avril dernier. "Le Parquet a requis une peine de travail dans un refuge. Ce n’est pas assez. La justice doit se prononcer en septembre."


Des outils pour agir face à la maltraitance

Gaia désire intensifier la lutte contre les maltraitances animales. "On voudrait former une 'police des animaux'. Souvent, lorsque les policiers font un constat de maltraitance animale, ils sont assez désemparés. On voudrait donc former des agents de police, des agents de quartier, à ce genre de questions, pour qu’ils puissent intervenir et placer les bons premiers gestes."

Sur son site web, Gaia liste plusieurs réflexes à avoir lorsque l’on est témoin de maltraitance animale, ou de négligence. Mieux vaut commencer par contacter le refuge local, ou la SPA. Ensuite, l’organisme conseille de déposer une plainte à la police, mais aussi auprès de l’unité de bien-être animal de sa Région. Enfin, l’union fait la force. En effet, une plainte déposée par plusieurs habitants aura plus de poids qu’une plainte unique.


 

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