En ce moment
 
 

Pauline ira jusqu'en justice pour ne pas payer son amende de stationnement à Ixelles: le gestionnaire l'accuse de harcèlement

Pauline ira jusqu'en justice pour ne pas payer son amende de stationnement à Ixelles: le gestionnaire l'accuse de harcèlement
© Belga
 
 

Recevoir une prune pour s'être garé sans ticket, c'est toujours embêtant. C'est arrivé à Pauline à Ixelles. Mais elle affirme que l'horodateur n'acceptait pas sa carte. Depuis 8 mois, elle dit que l'appareil n'a pas été réparé et accuse le gestionnaire, Streeteo, de le faire exprès. L'entreprise dément et estime qu'elle cherche un moyen pour faire sauter sa redevance.

C'est une conductrice énervée qui a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous. Pourquoi? Car Pauline a reçu une redevance de 25 euros pour s'être garée sans ticket à Ixelles. Sur un ton un peu "humoristique", elle nous explique pourtant avoir tout fait pour payer son ticket de stationnement…

C’est mieux qu’un centre de fitness et en plus c’est gratuit!

"Chaussez vos baskets quand vous vous garez à Ixelles et faites du sport grâce à Streeteo", voilà le début du message de Pauline. Elle nous explique s'être garée en septembre 2018 dans la rue du Belvédère. Elle se dirige vers un horodateur pour payer sa place. "J'essaie de payer avec mes 3 cartes de banque, mais ça ne marche pas. 'Incident technique, appel en cours', est-il indiqué sur l'appareil. Je laisse passer une dame qui fait la file pour payer, chez elle non plus ça ne marche pas", affirme Pauline. Problème: elle n'a pas de monnaie et n'a pas l'application smartphone qui permet de payer par SMS.

Son rendez-vous l'attend, et Pauline nous dit avoir simplement placé un ticket de 15 minutes de stationnement gratuit dans sa voiture. Lorsqu'elle revient de son entretien, elle voit un petit papier sur le pare-brise: une redevance de 25 euros. Notre dame s'indigne et fait part de son mécontentement à Streeteo, qui gérait le stationnement à Ixelles à l'époque. D'après notre témoin, Streeteo lui a répondu qu'elle devait utiliser les 15 minutes gratuites pour trouver de la monnaie. Comme vous le verrez plus loin dans l'article, Streeteo nous donne une autre version.

Mais revenons à Pauline. En janvier 2019, elle se rend au même endroit. D'après elle, le même horodateur n'accepte toujours pas ses cartes bancaires. "Ce n’est pas grave car grâce aux 15 minutes gratuites je peux aller à la 'chasse aux pièce'. Et si je n’ai pas de cash sur moi, je trouverais bien un distributeur (qui fonctionne), qui me donnera des billets et puis je trouverais un bar qui échangera mes billets contre des pièces. Tout cela en 15 minutes, c’est mieux qu’un centre de fitness et en plus c’est gratuit!", plaisante Pauline.

D'après l'automobiliste, ce n'est qu'au troisième horodateur que sa carte aurait enfin été acceptée. Pour cette fois, Pauline a donc pu se rendre à son rendez-vous sans craindre de recevoir une prune.

Dernier rebondissement: Pauline nous dit que le 22 avril dernier, l'horodateur en question n'acceptait toujours pas sa carte…

Notre témoin va plus loin, et accuse le gestionnaire de ne pas réparer sciemment les horodateurs défectueux pour augmenter le nombre de redevances. Elle accuse aussi Streeteo de ne pas avoir répondu à ses sollicitations et d'intimider les clients avec des lettres d'huissier. "Je suis prête à aller en justice", nous dit-elle. "Car je peux payer ma voiture, je peux payer mon assurance, et donc je peux aussi payer une amende si je suis en tort. Mais là j'estime que ce n'est pas le cas".


Nous avons été sur place: des commerçants et passants évoquent des problèmes

Avant de publier notre article. Nous avons tenu à vérifier par nous-mêmes la situation sur place. Rendez-vous donc rue du Belvédère à Ixelles. Là, un restaurateur nous confie qu'effectivement, ses clients se plaignent parfois des horodateurs. Un deuxième commerçant de la rue n'est pas au courant d'un quelconque problème. Nous nous rendons donc dans un café bien connu du coin. Là, le serveur nous dit que oui, lui et des clients rencontrent parfois des problèmes pour utiliser les horodateurs. Enfin, un dernier promeneur nous dit la même chose.

Contactons maintenant l'entreprise vers qui les accusations de notre témoin s'orientent: Streeteo. Qu'ont-ils à dire pour leur défense?

Cette dame prétend que l'horodateur était défectueux. Nous avons vérifié...

Pour bien comprendre, rappelons que Streeteo est un gestionnaire de parking. Une commune peut gérer elle-même les horodateurs mais elle peut aussi déléguer cette fonction. C'est le choix qui avait été fait à Ixelles où on dénombre plus de 17.000 places de parking en voirie. Jusqu'au 1er avril 2019, c'était donc Streeteo qui était en charge de ce service.

L'entreprise fait partie du groupe appelé Indigo. C'est son directeur général adjoint qui nous donne sa version des faits. "Je connais bien le dossier", lance-t-il d'emblée. "Cette dame prétend que l'horodateur était défectueux. Nous avons vérifié. Cet appareil a parfois eu des problèmes, mais il fonctionnait correctement, le paiement par carte aussi, au moment où elle a reçu la redevance".

Philippe Vranckx nous explique que les 420 horodateurs placés à Ixelles sont connectés à la centrale de l'entreprise, située à Gand. "S'il y a un problème de connexion, le dispatching prévient les techniciens. Ils interviennent très vite avec du matériel adapté. Chaque technicien a même un horodateur complet dans son coffre pour remplacer complètement un appareil si c'est nécessaire", précise le directeur général adjoint.

D'après notre interlocuteur, son entreprise n'a aucun intérêt à laisser des horodateurs défectueux en rue. Et malgré les actes de vandalisme très fréquents, il nous annonce fièrement un chiffre: "Sur le temps opérationnel où les automobilistes doivent payer leurs places, nous avons un taux de 99,3% de fonctionnement. Les actes de vandalisme inclus. Cela montre que notre réseau est très fiable".

Madame a choisi de harceler mes équipes et de nous menacer

Revenons-en à la situation de Pauline. Philippe Vranckx nous rappelle qu'un règlement encadre les situations où un horodateur serait défectueux. "Le règlement indique que l'utilisateur doit adopter trois comportements: soit il se rend à un autre appareil, soit il paie par mobile, soit il met son disque bleu qui lui offre 2h de stationnement gratuit".

Dans cette affaire, Pauline accuse Streeteo de ne pas lui avoir répondu. Philippe Vranckx dément. "Madame n'a rien fait malgré nos réponses polies. Madame a choisi de harceler mes équipes et de nous menacer avec un communiqué de presse qu'elle enverrait aux médias. Elle a envoyé ce document à moi, mais aussi à ma direction à Paris", précise-t-il, un peu agacé. "Elle a eu la possibilité de se garer gratuitement mais elle ne l'a pas fait, et maintenant elle essaie par tous les moyens de faire annuler l'amende. Mais nous avons vérifié la situation et nous n'avons pas de problème à aller devant le juge".

Philippe Vranckx indique d'ailleurs que ce n'est pas à Streeteo de décider de faire sauter une redevance. "Il y a un règlement rédigé en commun avec la commune qui spécifie tous les cas où une redevance peut être annulée. Et il y a une certaine souplesse. Prenons l'exemple d'un habitant qui a oublié de mettre sa carte de riverain. Le règlement prévoit que nous pouvons annuler une redevance par an pour chaque habitant dans ce genre de cas".

Un autre élément à prendre en compte: la gestion du stationnement à Ixelles a changé depuis peu. Pourquoi?


Ce n'est plus Streeteo qui gère le stationnement en voirie à Ixelles

Rappelons qu'Ixelles avait donné ses rues et ses aires de stationnement en concession à Indigo (l'entreprise-mère de Streeteo). Ensuite, Indigo a acheté et installé les horodateurs. Mais vous l'avez peut-être remarqué: nous avons indiqué que Streeteo était le gestionnaire de stationnement en rue à Ixelles jusqu'au 1er avril. 

Car en 2009, la Région de Bruxelles-Capitale avait rédigé une ordonnance. Celle-ci a créé l'Agence du stationnement de la Région de Bruxelles-Capitale, plus connue sous le nom de parking.brussels. Pour faire court, ce texte légal précise que les communes ne peuvent plus signer de concession avec des entreprises privées pour gérer leurs stationnements en voirie. Soit les communes gèrent elles-mêmes le stationnement, soit elles font appel à parking.brussels. Objectif: harmoniser la gestion de ce service au niveau régional.

Le contrat qui liait Ixelles à Streeteo s'achevait ce 1er avril 2019. "Suite à l'ordonnance, nous ne pouvions plus le renouveler. Depuis lors, on ne travaille plus avec Streeteo", nous indique le cabinet de l'échevin de la Mobilité. "Maintenant, c'est l'agence régionale parking.brussels".

Conséquence: au 1er avril dernier, la commune est devenue propriétaire des horodateurs (c'est ce que prévoyait le contrat). Mais un marché public a été lancé pour le remplacement des appareils, et c'est justement Indigo, en partenariat avec une autre entreprise, qui l'a remporté. "Nous avons racheté les horodateurs et nous allons les remplacer progressivement. Nous en avons déjà remplacé 51 sur les 420", nous précise Philippe Vranckx. Et, si vous vous posez la question, sachez que les horodateurs usés vivront une nouvelle vie à l'étranger.

Durant notre conversation, nous avons évidemment interrogé la cheffe de cabinet sur le cas de Pauline. "Cette situation nous étonne. Car cela peut arriver qu'un appareil ne fonctionne plus, mais ce n'est pas censé être de longue durée. Et nous n'avons pas constaté de problème à ce niveau ces derniers mois", réagit-elle. "Concernant Streeteo, nous avions eu quelques plaintes, mais c'est normal. Et nous en aurons sûrement aussi avec l'agence régionale".

Pour ce qui est de Streeteo, nous ne recevons pas tellement de plaintes de conducteurs

Au cours de nos recherches, nous sommes tombés sur une startup belge, Seety (anciennement cPark). Son but est de créer une sorte de communauté de conducteurs au sein des villes  "permettant le partage d’informations qui facilitent le stationnement de chacun". En gros, les utilisateurs peuvent prévenir les autres s'ils voient des contrôleurs, vous pouvez découvrir dans quelles rues le stationnement coûte moins cher, dans quels axes vous êtes en zone bleue, etc.

Nous avons contacté Hadrien Crespin, co-fondateur de Seety. "Pour ce qui est de Streeteo, nous ne recevons pas tellement de plaintes de conducteurs", confie-t-il. "Là où on reçoit le plus de messages, c'est pour les nouveaux horodateurs, où il faut indiquer son numéro de plaque. Les utilisateurs trouvent ça trop long, trop compliqué, et certains abandonnent la procédure… Mais concernant Streeteo, nous n'avons pas connaissance de difficultés en particulier".

Et que faire face à un appareil qui ne marche pas correctement? "L'idéal est de mettre son disque bleu, voire d'y ajouter un petit mot pour dire que l'horodateur ne marchait pas", conclut Hadrien Crespin.

C'est donc ici que s'achève notre enquête. Car le règlement semble clair: un conducteur confronté à un horodateur défectueux doit en trouver un autre, ou payer par un autre moyen, ou encore placer son disque bleu pour avoir 2h de parking gratuit.

Lors de nos conversations, Pauline semblait bien décidée à défendre sa cause jusqu'en justice. Nous vous préviendrons si elle nous relaie son éventuel combat en justice.

Terminons par une ultime précision: quelle est la différence entre une redevance et une amende?

Il s'agit d’une infraction dépénalisée

Une redevance est émise par la commune et concerne le non-respect du règlement communal. "Il ne s’agit pas d’une amende à proprement parler, ni d’un procès-verbal. Il s'agit d’une infraction dépénalisée, c’est à dire d'une infraction de stationnement qui ne cause pas de gêne ou de danger sur la voie publique", précise Seety sur son site. Au final, la redevance est une sorte de taxe en contrepartie de l'utilisation d'un service public, ici le fait d'utiliser un stationnement en rue.

Pour l'amende, c'est différent. "L’amende est un procès-verbal émis par la police et concerne une infraction pénale. Pour le stationnement, il s’agit ici d’infractions dues à une gêne ou mise en danger sur la voie publique (ex : se garer sur le trottoir ou au milieu de la chaussée)", précise Seety. Les PV sont en général d’un montant plus élevé qu’une simple redevance.


 

Vos commentaires