"J'ai peur car ça fait plusieurs semaines qu'une certaine tension entre "Arabes" et "non-Arabes" monte (...) et je commence à avoir peur pour notre communauté". "Et voilà ce qui m'énerve (...) une minorité de maghrébins qui font des bêtises (...), plein de témoins les voient. Et ces témoins se disent "encore des Arabes", et c'est toute la communauté qui en souffre."
Les terroristes ont un seul boulot qu'ils se plaisent, sans doute par désoeuvrement, à sanctifier: fabriquer de la peur. Bombe après bombe, rafales de Kalachnikov après rafales de Kalachnikov, chacun de leurs actes féroces est amplifié à l'infini par une technologie de l'image hyper-connectée, complice malgré elle, et qui nous hypnotise sur des vidéos en boucle. L'hyper-violence injecte la peur à dose de cheval et comme un animal effarouché, on devient craintif. On se méfie davantage de l'autre, surtout s'il est basané, s'il a un visage de type arabe, comme ceux qu'on voit défiler sur les avis de recherche diffusés à la télévision.
Mais cet autre, ce citoyen au visage de type arabe, a aussi peur. Et souvent même encore plus. Ils sont des centaines de milliers en Belgique, immigrés de première génération ou leur postérité, étrangers, naturalisés belges ou nés belges, à vouloir vivre une vie tranquille, comme tout le monde. Mais ils sont nombreux à se sentir doublement visés: d'abord par les terroristes, comme tout le monde, mais aussi par les autres, les gens qu'ils croisent en rue, des gens qui ont de plus en plus de mal à faire cette distinction raisonnable entre le terroriste, le petit délinquant et le simple citoyen. Et c'est bien ce que cherchent les fanatiques en commettant des actes irraisonnables qui créent le doute, qui fait tanguer les certitudes, comme celle de se sentir en sécurité.
Bilal (prénom d'emprunt) a écrit à notre rédaction via la page Alertez-nous pour faire part de sa peur et de son énervement en tant qu'arabe. Il rappelle que l'écrasante majorité des personnes d'origine maghrébine qui vit en Belgique possède exactement les mêmes aspirations que n'importe qui. Il rappelle aussi que cette écrasante majorité (qui se sent parfois plutôt écrasée pour le coup) n'est pas cette petite minorité de délinquants de laquelle d'ailleurs sont souvent issus les terroristes. Au-delà de ce rappel fait à l'ensemble de la population belge dont il fait partie à part entière rappelons-le, il lance aussi un appel à sa communauté pour qu'elle fasse cet effort de montrer qu'elle n'est pas cette minorité qui fait la Une des médias. "Que tout le monde sache que l'immense majorité des arabes veut vivre en paix avec les autres. J'aimerais que quand on parle d'une bande de jeunes qui a agressé quelqu'un, ça ne rime pas avec bande d'Arabes", écrit-il.
Le message de Bilal: "Certains n'ont pas compris qu'ils faisaient beaucoup de mal à ceux qui les entourent, je parle d'une minorité de maghrébins qui font des bêtises"
Je suis un Belge d'origine nord-africaine, et je vous contacte car j'ai peur et que je suis énervé.
J'ai peur car ça fait plusieurs semaines qu'une certaine tension entre "Arabes" et "non-Arabes" monte.
Déjà depuis que je suis adolescent, les gens regardent attentivement ce que je fais quand je me promène en rue, je dois faire attention à avoir l'air parfaitement innocent quand je fais les magasins, et je dois éviter de me promener avec plus de 2 ou 3 potes pour éviter de former une "bande d'Arabes" et voir les regards effrayés des gens.
Depuis quelques semaines, c'est encore pire, et je commence à avoir peur pour notre communauté.
Il y a quelques jours, j'ai lu sur ce site un article parlant de vente d'armes factices. Mais où allons-nous ? Est-ce qu'on va bientôt avoir des gens qui pointeront leur arme factice sur les Arabes qu'ils croisent dans la rue pour les faire changer de trottoir ?
Les nord-Africains sont des humains comme les autres. Les mamans et les papas attendent leurs enfants à la sortie de l'école, font leurs devoirs avec eux, travaillent, ont des amis et vivent une vie tout à fait normale.
Et voilà ce qui m'énerve: certains n'ont pas compris qu'ils faisaient beaucoup de mal à ceux qui les entourent. Je parle d'une minorité de maghrébins qui font des bêtises, et j'aimerais qu'ils se rendent compte qu'à chaque fois qu'ils provoquent quelqu'un, sifflent une fille, découpent un siège dans un bus, taggent un mur, cassent une vitre, frappent sur des bancs, fument un joint en bande et à la vue de tous ou jettent leur journal par terre, plein de témoins les voient. Et ces témoins se disent "encore des Arabes", et c'est toute la communauté qui en souffre.
Quand un Belge de souche casse un truc, on ne dit pas "encore un Belge". Les gens sont comme ça, c'est injuste et plein de gens essaient d'arranger cette situation, mais la lutte contre le racisme doit se faire de tous les côtés. Je pense qu'on devrait faire un effort de visibilité. Montrer qu'on est gentils, qu'on aime vivre dans un endroit calme, qu'on est contre les drogues, la dégradation de matériel, les insultes, etc. Dénoncer ceux qui font des bêtises pour enrayer ce sentiment d'impunité qui fait qu'on a "coupable" écrit sur le front. Que tout le monde sache que l'immense majorité des arabes veut vire en paix avec les autres. J'aimerais que quand on parle d'une "bande de jeunes" qui a agressé quelqu'un, ça ne rime pas avec "bande d'Arabes".
Merci pour votre attention. Bilal est un prénom d'emprunt."
Un peu de connaissance: que désigne exactement le terme "arabe" ? (source: Wikipédia)
1. La langue arabe
C'est une langue parlée par plus de 240 millions d'individus. Elle est la langue officielle de plus de 20 pays.
C'est une langue sémitique, c'est-à-dire qu'elle fait partie d'un groupe de langues parlées dès l'Antiquité au Proche-Orient, Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans la Corne de l'Afrique. L'hébreu, la langue du peuple juif, est aussi une langue sémitique.
La langue arabe est née dans la péninsule arabique (là où se situe notamment l'Arabie saoudite), où elle devint au VIIe siècle la langue du Coran et la langue liturgique de l'islam. Un peu comme le latin était la langue de la religion chrétienne. Elle s'est ensuite répandue au Proche-Orient et en Afrique du nord au gré des conquêtes et de l'islamisation.
2. Les Arabes
Les Arabes s’identifient par des liens linguistiques ou culturels. Ils sont répartis sur une vaste zone en Asie occidentale (Proche et Moyen-Orient), en Afrique et en Europe occidentale. Cela comprend les descendants d'habitants de la péninsule arabique qui ont migré au nord et à l'ouest et qui parlent des variantes de l'arabe. Ainsi définis, les Arabes sont estimés à environ 420 millions dans le monde.
Avec l’expansion de la religion musulmane à partir du VIIe siècle, certains groupes sociaux ou politiques s’arabisent petit à petit. La culture arabo-musulmane se propage, en particulier au détriment des langues locales (grec, égyptien, syriaque, berbère), notamment au Proche-Orient (Liban, Syrie, Palestine, Jordanie et Irak) et aussi en Afrique du Nord (Égypte, Maghreb, Soudan).
Selon les textes mythologiques de la Bible et du Coran, Ibrahim (pour les musulmans) ou Abraham (pour les chrétiens et les juifs), descendant de Sem fils de Noé, serait l’ancêtre du peuple arabe. Son fils Ismaël est considéré comme le deuxième patriarche des Arabes.
Après la conquête de la péninsule Arabique par l’islam, les Arabes ont conquis aux VIIe et VIIIe siècle les régions voisines du Proche-Orient, l’Asie mineure, l’Afrique du Nord. Même une partie de l'Espagne fut conquise par une armée arabe. Plusieurs dynasties s'y sont maintenues pendant huit siècle.
La Ligue arabe, officiellement la Ligue des États arabes est une organisation régionale à statut d’observateur auprès de l'Organisation des Nations unies. Elle fut fondée le 22 mars 1945 au Caire par sept pays et compte aujourd'hui vingt-deux États membres.
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