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Coronavirus - Bloqué au Maroc 3 mois, Youssef a enfin pu rentrer: "Nous étions comme en prison"

Coronavirus - Bloqué au Maroc 3 mois, Youssef a enfin pu rentrer: "Nous étions comme en prison"
©RTL INFO
 
CORONAVIRUS
 

Des milliers de Belges se sont retrouvés bloqués au Maroc en mars lorsque ce pays a fermé ses frontières. Le ministère des Affaires étrangères belges a organisé des rapatriements sous certains critères. Mais des personnes n'ont pas obtenu d'accès à l'un des vols affrétés par l'État et ont dû patienter jusqu'à la mise en place en juin de vols commerciaux spéciaux.

Dès le début du confinement au mois de mars, les témoignages de Belgo-Marocains bloqués au Maroc ont afflué à notre rédaction. Plusieurs vols de rapatriement, affrétés par le ministère des Affaires étrangères en collaboration avec les autorités marocaines, ont permis à 3.000 personnes de rentrer chez elles. Le dernier a eu lieu le 15 mai. Mais, plusieurs semaines après le début du déconfinement, de nombreux ressortissants n'ayant pas pu embarquer dans l'un de ces 14 vols restaient désemparés. "Cela fait plus de trois mois que nous sommes coincés, on ne peut pas sortir, on est comme en prison", témoignait ainsi Youssef via notre bouton orange Alertez-nous le 10 juin dernier.

Ce Montois de 23 ans avait perdu son emploi de vendeur dans un magasin de prêt-à-porter début mars. Profitant de son temps libre, il s'était rendu à Casablanca pour deux semaines afin de rendre visite à sa famille qu'il n'avait pas vue depuis deux ans. Mais peu de temps après son arrivée au Maroc, l'épidémie de coronavirus prenait une ampleur mondiale. Des règles drastiques de sécurité sanitaire étaient prises, le Maroc et la Belgique se confinaient.

Premières vagues de rapatriements

Le Maroc a fermé complètement ses frontières le 22 mars, "presque du jour au lendemain, ça s'est fait très soudainement", se rappelle le porte-parole de Philippe Goffin, ministre des Affaires étrangères. Ce dernier a entrepris des négociations avec ses homologues marocains. Un compromis a été trouvé sous la forme de trois critères impérieux qui justifiaient la nécessité d'un retour en Belgique  : "La fragilité liée à la santé, la fragilité liée à une séparation familiale, et la fragilité liée à une situation socio-économique ou professionnelle".

Cette question des critères humanitaires de rapatriement a été mal gérée selon Mohsin Mouedden, administrateur d'un groupe de Belges bloqués au Maroc regroupant plus 5.000 membres. Il assure que parmi les personnes qu'il a aidées, certaines n'ont jamais reçu de réponse à leurs demandes malgré leurs problèmes de santé ou conditions économiques critiques. Alors que d'autres ne présentant aucun motif impérieux seraient monter à bord d'un vol de rapatriement sans problème.

Youssef affirmait avoir la promesse d'un nouveau job en Belgique. La gérante d'un magasin de chaussures à Charleroi comptait l'embaucher. Elle déclare avoir tenté de fournir les justificatifs nécessaires pour le retour de son futur employé. "J'ai fait une demande de document auprès de mon groupe social. Ils m'ont dit que les promesses d'embauche ne valaient plus grand-chose", affirme-t-elle. Quant à Youssef, il a cherché à contacter l'ambassade à plusieurs reprises mais, affirmait-il, "c'est silence radio. Quand on téléphone, c'est un répondeur automatique qui répond".

État d'urgence sanitaire prolongé

Sans emploi et donc sans sources de revenus, les frais se sont accumulés. "L'électricité, le loyer, l'abonnement téléphonique en Belgique" : Youssef croule sous les factures qu'il ne pourra bientôt plus payer. Heureusement, les frais de séjour au Maroc lui ont été épargnés, des proches l'hébergeant à Casablanca, même si, disait-il, il ne se permettait pas de vivre totalement à leurs crochets.

Après le dernier vol directement affrété par les autorités belges le 15 mai, le ministère des Affaires étrangères ne pouvait rien conseiller d'autre que de patienter. "On est dans la phase de déconfinement, il y a de plus en plus de pays qui envisagent cette phase là, ou l'ont déjà entamée. Il est certain que le Maroc l'entamera également" tentait de rassurer le porte-parole du ministère le 19 mai. Mais le Maroc prolongeait l'état d'urgence sanitaire : "On ne sait rien faire, on est obligé d'avoir une attestation pour sortir et nous ne l'avons pas malheureusement. C'est pour ça que je dis que nous sommes en prison depuis plus de trois mois", racontait Youssef.

Finalement la Belgique et le Maroc ont trouvé une nouvelle solution. Des vols commerciaux sont "facilités" : "L'espace aérien marocain reste strictement fermé, c'est pour ça qu'on appelle ça des vols commerciaux facilités. On intervient pour permettre leur arrivée mais ce ne sont pas des vols affrétés par l'État belge cette fois-ci".

Concrètement, les Belges toujours présents au Maroc peuvent s'inscrire via un formulaire sur le site de l'Ambassade de Belgique à Rabat. Les listes constituées sont ensuite gérées par l'opérateur privé TUI Fly qui assure deux vols par semaine vers Bruxelles tant que les frontières marocaines ne seront pas rouvertes. Ces avions partent de Casablanca. Une navette permet aux Belges présents dans d'autres villes de se rendre l'aéroport.

Cohu à l'aéroport de Casablanca

Inscrit sur les listes, Youssef a été contacté par l'ambassade le 14 juin. Il a enfin pu prendre l'avion du retour à Casablanca le 16 juin sans encombres. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Le jeune Montois est resté interloqué par la cohue à l'aéroport. Deux vols pour Paris et un vol pour Bruxelles étaient programmés au même moment. Youssef déclare avoir vu de nombreuses personnes se faire refouler à la porte d'embarquement. "C'était la catastrophe. Aucune distance de sécurité, tout le monde qui panique", rapporte-t-il. La police était présente mais s'est retrouvée dépassée par la foule selon lui : "Il ne savait pas quoi faire". 

Pour sa part, il a bien pu embarquer à bord grâce à son billet acheté 300 euros. De retour en Belgique le 16 juin à 21 heures 40, il a finalement loupé l'emploi qui lui était proposé. En effet, il est contraint de respecter une quarantaine de 14 jours pour des raisons de sécurité sanitaire et la gérante du magasin déclare qu'elle ne pouvait plus attendre.


 

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