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"C'est franchement du racket": Eric, un boulanger qui survit malgré la crise, reçoit une 2e amende de roulage assez étonnante

"C'est franchement du racket": Eric, un boulanger qui survit malgré la crise, reçoit une 2e amende de roulage assez étonnante
 
amende routière, PV
 

Avec l'augmentation du prix de l'énergie et des matières premières, les temps sont durs pour les indépendants et particulièrement pour les propriétaires de boulangerie. Ce n'est pas différent à la pâtisserie Groffy, une institution à Sprimont. "La situation est difficile mais nous survivons", indique Eric Coulée, l'ancien propriétaire qui est maintenant retraité. "Ma fille a repris le flambeau mais j'aide toujours au niveau administratif. Et je constate que notre facture énergétique a quintuplé sur la dernière année. Nous n'osons pas trop augmenter nos prix donc c'est compliqué."

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L'entrepreneur nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part d'une mésaventure qui a coûté très cher à sa boulangerie. "Il y a un an, nous avons reçu un PV de roulage d'un véhicule de société datant de décembre 2021", explique-t-il. "Nous avons directement payé le procès, évidemment, pour 187,84 euros."

Mais cette berline est conduite par plusieurs employés. Et au moment de la réception du procès, plus personne ne se souvenait du conducteur de la voiture ce jour-là. "Beaucoup peuvent s'installer au volant", explique le boulanger. "Impossible donc de déterminer qui conduisait lors de l'excès de vitesse d'autant que c'était un trajet très fréquent, pour aller chez un client habituel." Le problème, c'est qu'il était demandé à l'entreprise d'identifier le fautif. "Mais il y avait une case 'conducteur indéterminé'", poursuit Eric. "Nous l'avons donc logiquement cochée."

Un deuxième PV de 509,06 euros

Eric pense alors que l'histoire va s'arrêter là. Mais il y a quelques jours, soit plus de 9 mois après le procès originel, il reçoit un nouveau message dans son e-box entreprise. Une mauvaise surprise pour l'artisan. "Un PV de 509,06 euros", s'indigne-t-il. "Pour ne pas avoir renseigné le nom du conducteur lors de l'infraction." Le jeune retraité n'en revient pas. "Pourquoi nous permettre d'indiquer que nous ne savons plus quel est le conducteur si c'est pour nous punir après?", souffle-t-il. "D'autant que rien ne disait que nous allions recevoir une autre amende pour ça. C'est franchement un racket et j'ai vu sur les réseaux sociaux que je n'étais pas le seul dans le cas."

 

"La personne morale est tenue de communiquer l'identité du conducteur"

Pour comprendre cette deuxième amende, il faut s'intéresser à la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière et plus précisément à l'article 67ter: "Lorsqu’une infraction à la présente loi et à ses arrêtés d’exécution est commise avec un véhicule à moteur, immatriculé au nom d’une personne morale et que le conducteur n’a pas été identifié au moment de la constatation de l’infraction, la personne morale ou la personne physique qui représente la personne morale en droit, sont tenues de communiquer l’identité du conducteur incontestable au moment des faits ou, si elles ne la connaissent pas, de communiquer l’identité de la personne responsable du véhicule", peut-on lire.

L'article 29ter précise la peine encourue en cas de non-respect de la loi: "Est puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de 200 euros à 4000 euros, ou d'une de ces peines seulement, celui qui ne satisfait pas aux obligations visées à l'article 67ter." Sur l'amende qu'a reçue le boulanger car il n'avait pas renseigné le nom du conducteur, il est précisé que c'est "afin de prévenir à la récidive".

Que fait le ministère public avec l'identification du conducteur?

Burno Gysels, avocat spécialisé en circulation routière, indique recevoir quotidiennement des demandes de sociétés dans le même cas qu'Eric. "Ces patrons sont scandalisés car ils ont payé en temps et en heure leur amende", dit-il. "Pour moi, c'est également un racket d'Etat et, pourtant, je ne suis pas du genre à utiliser ce terme à la légère. Mais ici, je me demande bien à quoi sert la demande d'identification du conducteur à partir du moment où l'infraction de roulage a été payée. Que fait le ministère public avec l'identification du conducteur? Identifié en plus souvent à son insu, sans avoir pu contester. Donc j'espère qu'il n'y a pas une banque de données cachée de conducteurs qui auraient été ainsi dénoncés.

Pour l'avocat, le prétexte de lutte contre la récidive ne tient pas. "Cette notion implique d'avoir été condamné par un tribunal", explique-t-il. "Pour être bref, il faut avoir réitéré des faits graves dans les trois ans d'une condamnation par un tribunal. On ne peut pas imaginer qu'on parle de récidive pour quelqu'un qui aurait pu être désigné comme conducteur à son insu."

Conseil d'un avocat 

Bruno Gysels conseille, au départ, d'identifier le conducteur "car c'est une obligation légale, c'est vrai." Et d'ensuite payer l'infraction de roulage. Dans le cas où le conducteur n'aurait pas été identifié et que l'amende de 509,06 euros arriverait dans la boîte aux lettres, l'avocat conseille de ne pas payer. "Déjà car le paiement n'est pas obligatoire car il s'agit d'une proposition de transaction", affirme-t-il. "Et ensuite car je suis bien curieux de voir la réaction des juges devant les tribunaux si on poursuit quelqu'un pour ne pas avoir dénoncé un conducteur alors que, à ma connaissance, connaître cette identité n'aurait servit à rien."

La prochaine fois, j'indiquerai mon nom comme conducteur

Eric ne souhaite pas un "flicage" de ses employés. "Je n'ai aucune envie de faire ça", dit-il. "Tout le monde a déjà fait un excès de vitesse et je ne veux pas faire payer mes employés alors qu'ils se rendent chez un client. La prochaine fois, j'indiquerai mon nom comme conducteur quoi qu'il arrive." Ce qu'Eric regrette de ne pas l'avoir fait directement lors de la réception du procès. "Je m'en serais sorti avec 187,84 euros à payer au lieu de presque 700", soupire-t-il. "Franchement le calcul est vite fait. C'est complètement aberrant."

"Je ne le conseille pas mais, à la limite, c'est quelque chose que les patrons d'entreprise pourraient faire", sourit Maitre Gysels. "Mais avouez quand même que c'est un peu gros de devoir en arriver là."


 

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