Nouvel épisode de la saga de l'essence E10, ce carburant contenant du bioéthanol dont on a déjà parlé à de nombreuses reprises. Dernière conséquence rapportée à RTL info via notre bouton orange Alertez-nous: les machines horticoles seraient allergiques à la 95 E10, imposée en Belgique en remplacement la 95 traditionnelle. Explications.
L'essence E10 continue de faire parler d'elle, depuis que la Belgique a décidé de l'imposer aux consommateurs en tant qu'essence 'de base' (la moins chère, la 95 qui est donc devenue 95 E10).
La polémique concerne cette fois l'outillage de jardin, qui est sorti de son hibernation. Tous les jardiniers et les particuliers ont remis de l'essence 'de base' dans les tondeuses et tronçonneuses. Mauvaise idée pour certains…
Benjamin Baton est réparateur de machine horticole à Tertre, une section de la commune de Saint-Ghilsain, près de Mons. Depuis le printemps, il constate une grande augmentation de pannes dues à l'utilisation de cette essence contenant au maximum 10% de bioéthanol (d'où le suffixe E10).
"Je suis patron d'un magasin en parcs et jardins, je fais de la vente, de la location et de la réparation" de machines horticoles, nous a-t-il confié après avoir contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous. Et depuis quelques mois, "la plus grosse partie des pannes, ce sont des problèmes dans les carburateurs, suite à l'utilisation de la nouvelle 95 E10".
Benjamin veut faire passer ce message très clair: "Il ne faut en aucun cas utiliser cette essence dans vos machines". Nous avons interrogé un expert qui tempère un peu ses propos.
"Toutes les machines sont concernées", selon Benjamin
Les pannes constatées par Benjamin concernent toutes les machines horticoles, "et toutes les marques".
"C'est aussi bien les machines avec moteur 4 temps, comme les tondeuses ou tracteurs-tondeuses, que celles avec moteur 2 temps, pour les machines légères, comme les débroussailleuses, tronçonneuses".
Notre témoin insiste sur le danger d'utiliser de l'essence contenant davantage de bioéthanol. "Avec ces machines, il ne faut surtout pas utiliser de 95 E10. Ça ronge les joints, on est obligé de tout remplacer, tout nettoyer, vider complètement le réservoir, remplacer les crépines d'aspiration". Pas de "gros problèmes", heureusement, car "on le voit très vite dans le carburateur, et les clients qui s'en rendent compte viennent assez rapidement".
Le hangar de Benjamin à Tertre
Un supplément facturé entre 25 et 50 euros
Les entretiens/réparations deviennent plus onéreux à cause du bioéthanol. Logique: "il faut compter entre une demi-heure et une heure en plus".
Difficile cependant de chiffrer les répercussions sur le portefeuille des clients, car Benjamin "travaille avec des forfaits d'entretien" et "le nettoyage du carburateur est compris dans le forfait".
Il doit donc généralement "demander des suppléments" aux clients, qui oscillent entre 25 et 50 euros. On pourrait conclure que c'est une bonne chose pour les affaires de Benjamin, "mais ça n'est pas tellement gai car le client est obligé de faire des frais inutiles sur sa machine".
L'avis de l'expert: pourquoi les machines horticoles sont-elles si sensibles à la E10 ?
D'après Benjamin, il suffit d'un plein de 95 E10 pour que les machines dysfonctionnent. "Dès que vous l'utilisez, la machine commence à faire des ratés, et les problèmes arrivent: perte de régime, elles tournent moins bien et on commence à voir les dégâts".
Nous avons soumis le problème à Hervé Jeanmart, professeur à l'Ecole Polytechnique de Louvain-la-Neuve. Selon lui, il n'y a pas spécialement de problèmes propres aux moteurs de machines horticoles par rapport à l'essence E10. "Les contraintes sont les mêmes que pour une voiture, par exemple", nous a-t-il expliqué.
Qu'est-ce qui explique dès lors que Benjamin soit submergé de pannes dues à cette essence ? Il y a plusieurs raisons envisageables.
"Les constructeurs automobiles ont depuis les années 2000 opéré plusieurs changements pour que les véhicules soient compatibles avec le bioéthanol. Mais ce n'est pas le cas de toutes les machines horticoles, et il n'est pas rare que les gens gardent une tondeuse pendant plus d'une dizaine d'années", nous a précisé le professeur. Première raison: par rapport aux voitures, il y aurait donc proportionnellement plus de machines horticoles qui ne sont tout simplement pas conçues pour fonctionner avec l'éthanol contenu dans la 95 E10.
Et les conséquences peuvent en effet être "pratiquement immédiates", prévient notre expert. "Aux débuts du bioéthanol, on avait fait des tests sur un injecteur à essence", se souvient-il. "Tous les joints ont gonflé, ont grossi en à peine un jour ou deux".
L'autre raison est plus technique, et concerne les moteurs deux temps qui "ont besoin d'un mélange essence et huile pour lubrifier le moteur". Or, pour bien fonctionner avec la 95 E10 contenant du bioéthanol, les huiles spécifiques "doivent être reformulées". Il est très probable que ceux qui ont fait un nouveau mélange avant de rallumer leur débroussailleuse n'ont pas pris cela en considération. Corollaire précisé par le professeur Jeanmart: à cause de la présence d'éthanol en plus grande quantité, les mélanges huile / essence E10 "ont une durée de vie encore plus raccourcie: il ne faut pas stocker de mélange !", mais le faire et l'utiliser tout de suite. Et idéalement, vidanger le réservoir de la machine avant de la remiser. Fameuse contrainte, donc.
Le comptoir de Benjamin, où il doit surfacturer ses entretiens, plus longs et plus compliqués
Les conseils de l'expert: renseignez-vous !
Benjamin, notre réparateur, est catégorique: "Il ne faut en aucune circonstance utiliser de la 95 E10 dans vos tondeuses, tronçonneuses, débroussailleuses, etc". Notre expert est plus mesuré dans ses conseils.
"Ça dépend de son âge… Si votre machine horticole est récente, elle est sans doute compatible avec le bioéthanol. Si elle a entre 5 et 10 ans, il vaut sans doute mieux poser la question à votre revendeur, ou se renseigner auprès du fabricant. Si elle est plus vieille que ça, il vaut sans doute mieux ne pas utiliser d'essence au bioéthanol", a conclu Hervé Jeanmart. Et donc, privilégier la 98. La différence de prix sur une saison ne se fera pas trop sentir pour le particulier.
Dans tous les cas, si vous utilisez de la 95 E10, il faut essayer de vider le réservoir le plus vite possible. "Si l'appareil est rangé dehors ou dans une remise humide, et inutilisé pendant quelque temps, l'eau se mélange au carburant et il y a une dissociation de phase. L'éthanol devient alors encore plus agressif. Il vaut mieux purger le réservoir".
Enfin, en guise d'exemple, nous avons interrogé un célèbre fabricant de machines horticoles pour particuliers et surtout pour professionnels, Stihl. Il est indiqué sur cette page que "le carburant E10 est en principe compatible avec toutes les tronçonneuses et tous les appareils à moteur thermique" de la marque. Elle stipule tout de même que les meilleurs choix sont les carburants développés et vendus par Stihl, pour de meilleures performances et une plus grande durée de vie. Mais ils atteignent rapidement les 5€ le litre…
"Il n'y a aucun problème si on ne stocke pas le matériel avec du carburant dans le réservoir durant plus de 30 jours", nous a confirmé Pedro Tubbe, du service technique de Stihl. "Même sur nos appareils plus anciens, il n'y a pas de grands risques, tout au plus faut-il ajuster le carburateur".
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