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"Fred et Jamy" expliquent dans une vidéo que le diesel pollue moins que l'essence: ont-ils raison?

"Fred et Jamy" expliquent dans une vidéo que le diesel pollue moins que l'essence: ont-ils raison?
 
 

Un extrait de l'émission "C'est pas Sorcier" circule sur Facebook. Le présentateur Jamy y indique que le diesel pollue moins que l'essence. A l'heure où la plupart des états européens font la guerre au diesel, que doit-on en penser ? Les autorités font-elles fausse route dans la lutte environnementale ? Ou alors ne serait-ce qu'un prétexte pour augmenter les accises ? Des experts démêlent le vrai du faux.

A l'heure où le mouvement des gilets jaunes secoue la France et la Wallonie, mettant en lumière la difficulté d'une partie des classes moyennes et populaires à joindre les deux bouts, notamment à cause du prix des carburants et des taxes sur les automobiles, une vidéo est largement relayée sur les réseaux sociaux. Dans cet extrait de l'émission "C'est pas sorcier" tourné au début des années 2000, Fred et Jamy expliquent qu'un moteur diesel rejette moins de CO2 dans l'air qu'un moteur essence.

Pourtant, quand le gouvernement Michel a pris ses fonctions en octobre 2014, le diesel a rapidement été montré du doigt comme étant responsable d'une grande partie de la pollution de notre air. Le tout dans un climat hostile à ce type de carburant, alimenté en grande partie par le Dieselgate (tricherie sur le niveau des émissions des moteurs diesel chez VW puis d'autres constructeurs). Résultat: la décision a été prise de faire progressivement monter les accises sur le diesel pour les ramener au même niveau que celles sur l'essence.

"Quand la majorité s'est mise en place, les partis se mettent autour de la table et avancent leurs pions. Faire monter les accises sur le diesel était une volonté de tous les partis qui sont montés dans la majorité. Donc dans les accords de gouvernement, il a vite été décidé de faire quelque chose à ce niveau-là", nous a indiqué Frédéric Cauderlier, porte-parole du Premier ministre.

Nous lui avons aussi demandé de nous faire parvenir les études scientifiques sur lesquelles les partis s'étaient basés pour prendre une telle décision, mais nous n'avons pas vu notre demande honorée. "Ce n'est pas spécifiquement le gouvernement qui demande une ou des études. C'est au sein des partis eux-mêmes qu'ils se basent sur des recommandations scientifiques pour savoir quelle politique ils veulent appliquer. Et les partis autour de la table lors de la formation du gouvernement voulaient diminuer la part de voitures diesel dans la parc automobile. Là- dessus il y avait un consensus clair, donc cela a rapidement fait partie des accords de gouvernement", a-t-il ajouté.

Diminuer la part des voitures diesel et rétablir un équilibre avec le nombre de voitures essence. Et comment y parvenir ? La méthode la plus efficace reste de toucher au portefeuille des citoyens, et donc augmenter les accises du diesel. Le tout, en mettant en avant l'argument écologique.


Mais cet argument écologique, est-il correct ?

Fred et Jamy se tromperaient-ils donc dans leur émission ? Ou alors les moteurs ont évolué et cet extrait n'est plus à jour en 2018 ? Nous avons interviewé plusieurs experts automobiles, voici ce qu'ils en pensent:

"Le moteur Diesel a un rendement plus élevé que le moteur à essence. En des mots plus simples, cela veut dire qu’un moteur Diesel peut produire plus de travail qu’un moteur à essence de puissance comparable en consommant le même quantité de carburant. Ou, inversement, le moteur Diesel consomme moins de carburant que le moteur à essence pour accomplir le même travail", nous indique Philippe Casse, historien de l'automobile.

"Les éléments présentés dans cette vidéo sont tout à fait corrects et les éléments scientifiques sont cohérents", juge pour sa part Olivier Neirynck, porte-parole de la fédération belge des négociants en combustibles et carburants.

"Le dieselbashing génère des erreurs d'interprétation. Mais le diesel qui pollue, qui crache une épaisse fumée noire, c'est terminé. On n'en est plus là du tout. Le diesel a encore de belles choses à démontrer. C'est une bonne technologie, qui a encore de beaux progrès à réaliser et les évolutions sont constantes", avance Jean-Marc Ponteville, responsable de la communication VW D'ieteren en Belgique.


Moins de CO2, mais plus de particules fines ?

OK, on l'a bien compris, le diesel reste plus efficace au niveau de la consommation. Mais les autorités avancent une autre source de problème: les particules fines, extrêmement néfastes pour l'être humain. Mais selon les experts interviewés et contrairement aux idées répandues, celles-ci ne seraient plus l'apanage des moteurs diesel. "Le plus important est peut-être que depuis l’équipement de tous les moteurs à essence récents de l’injection directe, dans le but de limiter toujours davantage leur consommation, ces moteurs à essence produisent autant de particules fines que les diesel. A cela s’ajoute que, comme la température de la combustion dans un moteur à essence est supérieure à celle d’un moteur diesel, il est plus compliqué d’éliminer les particules fines émises par un moteur à essence", explique Philippe Casse.


Mais alors, l'argument environnemental est-il tronqué ?

Pas tout à fait, c'est plus nuancé. Pourquoi ? Parce qu'il est important de préciser que le diesel n'est pas, à l'heure actuelle, plus taxé que l'essence. Les deux carburants sont désormais taxés de la même manière.

> Voici la décomposition en détails des prix de l'essence et du diesel à la pompe

Et pour cause, "Essence ou diesel, ce n'est pas le débat. Le problème vient de tous les moteurs thermiques. L'essence et le diesel sont tous deux extrêmement nocifs. Alors bien sûr, il y a des différences en fonction de l'âge de la voiture, de son poids et de sa puissance. Mais pour les derniers modèles, en effet, les moteurs diesel ne sont pas pires que les moteurs essence", estime Philippe Henry, député wallon Ecolo. "Il n'y a donc aucune raison de diaboliser le diesel en faveur de l'essence. Les deux carburants sont mauvais, mais il n'y a pas de raison d'en favoriser un par rapport à un autre non plus", argumente-t-il.


Le diesel était "artificiellement" avantagé

Or, et c'est là une notion évidente à prendre en considération pour bien comprendre cet article, le diesel était "artificiellement" avantagé par les autorités depuis de longues années. Pas de là à dire qu'il était défiscalisé, mais les accises étaient nettement moindres que sur l'essence. "On est sans doute allé trop loin dans le diesel", avoue Jean-Marc Ponteville.

Un non-sens, car une voiture essence revenait tellement plus cher à l'usage que trop d'automobilistes se sont tournés vers le diesel. Pourquoi trop ? Car les conducteurs qui effectuent de petits trajets, ou qui ne roulent quasi qu'en situation urbaine, ne doivent pas être poussés à utiliser un moteur diesel, mais bien opter pour l'essence, voire l'électrique si cette possibilité s'offre à eux.

Pourquoi l'essence convient-elle mieux pour les déplacements urbains? "Le moteur diesel consomme moins de carburant, il arrive donc moins vite qu’un moteur à essence à sa température idéale de fonctionnement (72 à 90°) et, dans ces conditions, il polluera et s’usera aussi davantage. Le moteur diesel n’est le meilleur choix qu’à la condition que ses déplacements avec démarrage à froid soient dans leur majorité supérieurs à 20-25 km et cela quel que soit le kilométrage total annuel de son véhicule. Par contre, on peut affirmer qu'il n’est pas le meilleur choix environnemental voire économique pour parcourir de petites distances", explique Philippe Casse.

Du coup, "les autorités tentent d'inverser la tendance et de rétablir la balance. Et ça fonctionne car la fiscalité a un impact direct et rapide sur les choix des gens", conclut Jean-Marc Ponteville.


Des accises "logiques", mais une communication désastreuse

De ces explications découle un constat évident. Vous roulez peu et principalement en ville, optez pour l'essence. Vous faites de longs trajets et principalement sur autoroute, choisissez le diesel. Tant d'un point de vue économique qu'environnemental, votre choix sera le bon.

Or, en écoutant les autorités à l'heure actuelle, le diesel serait presque "à bannir". Et c'est là que, selon les experts en moteurs thermiques, si le gouvernement avait accordé trop de largesses au diesel dans les années 90 et 2000, il a sans doute beaucoup trop serré la vis désormais.

Soyons francs: les médias, organisations écologiques et la société tout entière ne sont à cet égard pas exempts de tout reproche, le dieselbashing ayant été enclenché à la vitesse grand V dans la foulée du dieselgate. Alors s'il peut paraître logique que les accises soient similaires sur les deux carburants, la communication "anti-diesel", par contre, peut avoir des conséquences désastreuses. "Les politiques qui encouragent directement ou indirectement des conducteurs à passer inutilement du diesel à l’essence commettent une lourde erreur de jugement. D’un point de vue purement environnemental, il est clairement démontré que les effets induits par cette politique sont catastrophiques", estime Philippe Casse sur base du fait qu'un automobiliste qui fait, par exemple, Bruxelles-Liège tous les jours polluera beaucoup plus avec un moteur essence.

Olivier Neirynck, lui, va plus loin. "Bien sûr qu'on prend les citoyens pour des cons. C'est très clair. On a favorisé le diesel pendant des années, près de deux décennies. Puis d'un coup on décide d'augmenter les accises sur le diesel et on présente ce carburant comme le responsable des soucis environnementaux. Or ce n'est pas vrai. Ce n'est vrai que lorsqu'un moteur diesel est mal utilisé. Et si un moteur diesel était mal utilisé, c'est parce que ces mêmes politiques avaient poussé des gens qui ne se déplacent qu'en ville à rouler au diesel quelques années plus tôt", déplore-t-il avant de préciser que "les arguments environnementaux avancés" par les politiques actuelles "sont très faibles".


Evoluer vers une fiscalité "durable"...

On l'a compris au travers des exemples cités ci-dessus, inutile de fustiger le diesel. Inutile aussi de fustiger l'essence. L'un n'est pas meilleur que l'autre, ou l'un n'est pas pire que l'autre si vous préférez. Mais alors, qu'est-ce qui serait juste, et vers quelles solutions doit-on tenter d'évoluer ? "On doit aller vers une solution où l'on arrêtera l'utilisation des énergies fossiles. Tant pour le réchauffement climatique que pour la qualité de l'air. On doit donc pousser le développement des voitures électriques pour les personnes dont l'usage justifie le choix de cette technologie, pousser aussi à rouler moins grâce au développement d'alternatives, comme des transports en commun de qualité", avance Philippe Henry.

Pour Jean-Marc Ponteville, si les politiques ne veulent pas subir la fronde populaire, il faut avant tout veiller à avoir "une fiscalité qui se fait sur le long terme. Comme ça on sait où on va, et le client aussi. Mais changer les règles rapidement comme on l'observe aujourd'hui, ça ne va pas. Au niveau de la production, les constructeurs ne peuvent pas tout réorganiser aussi vite. Les citoyens ne peuvent pas changer de voiture du jour au lendemain non plus, et donc il est logique qu'il y ait du mécontentement, de la frustration".


... et les carburants de synthèse ?

Au-delà du choix diesel-essence, toutes les personnes interviewées s'étonnent de la fiscalité appliquée sur les carburants de synthèse, fabriqués à partir du recyclage de matières telles les huiles de friteuse et autres. "Un produit écologique et renouvelable, avec des rejets de CO2 et de particules fines réduites à peau de chagrin", indique Olivier Neirynck.

Le hic, c'est qu'à l'heure actuelle, la valeur marchande de ce produit est plus élevée que celle d'un carburant issu d'énergie fossile. Mais qu'importe, il pourrait être moins cher à la pompe s'il était défiscalisé. Mais là encore, ce n'est pas le cas et les accises sont similaires à celles appliquées à l'essence et au diesel. Avec un prix flirtant avec les 1,8 euros/litre, inutile de préciser qu'il n'est pas très utilisé, à tel point que les pompes qui le proposent aux automobilistes se comptent sur les doigts d'une main en Belgique. "C'est se tirer une balle dans le pied. Le diesel synthétique pourrait bientôt remplacer le diesel fossile. Et cela s'utilise dans des moteurs diesel, 100% identiques à ceux qui sont dans nos voitures aujourd'hui. C'est ce genre de produit qu'il faut pousser, développer. Or, les décisions politiques et le dieselbashing ralentissent cela. Ou est la logique là- dedans ?", s'interroge-t-il.

"Il est évident qu'il faut, selon nous, mener une politique qui vise à défiscaliser les carburants propres afin de pousser un maximum les citoyens à en faire usage", avance Philippe Henry.

Mais tant que ces carburants ne seront pas plus répandus, les citoyens devront choisir entre essence et diesel. Désormais, la balance fiscale entre les deux est à l'équilibre. Votre portefeuille devrait "préférer" l'un ou l'autre selon l'usage que vous en ferez. Il en va de même pour l'environnement... comme le démontre l'explication limpide de Jamy dans "C'est pas sorcier".


@ArnaudRTLinfo


 

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