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Pour ses proches, Salah Abdeslam, s'est laissé "embarquer"

Pour ses proches, Salah Abdeslam, s'est laissé "embarquer"
Capture d'écran d'une video surveillance montrant Salah Abdeslam (D) et Mohammed Abrini le 11 novembre 2016 à la station service de Ressons au nord de Paris-
 
 

"Tout Molenbeek" n'a pas caché Salah Abdeslam, capturé vendredi dans un appartement du centre de cette commune populaire mais ceux qui l'ont connu gardent une certaine "sympathie" pour le suspect-clé des attentats de Paris.

Ils sont persuadés que ce Français de 26 ans, qui a grandi à Molenbeek, s'est laissé "embarquer", témoigne Sarah Turine, échevine (maire adjointe) de Molenbeek responsable de la Jeunesse, de la Cohésion sociale et du dialogue interculturel, et islamologue de formation.

QUESTION: Comment avez-vous réagi à l'annonce de l'arrestation de Salah Abdeslam à Molenbeek?

REPONSE: "J'ai été surprise et je pense qu'on a tous été surpris. Le bruit qui courait dans le quartier c'était qu'il était sans doute parti en Syrie. J'ai le sentiment, en discutant avec quelques personnes qui le connaissaient qu'il était en bout de course, qu'il avait tout essayé...

S'il avait été arrêté trois jours plus tôt à Forest, le lieu de son arrestation n'aurait pas été l'objet de discussions, là, ça re-nourrit tout ce que le nom de Molenbeek a de symbole. Il y a eu une surmédiatisation de la commune, on essaie de reconstruire une normalité et ça nous revient à la figure... En même temps c'est un soulagement que tout ça s'arrête."

Q/ Comment expliquez-vous que des habitants l'aient caché?

R/ "Ce n'était pas un ange avant les événements, il avait des contacts, un réseau dans le milieu de la petite délinquance et les milieux criminels qui l'ont aidé à se cacher.

De là à penser que tout Molenbeek l'aurait caché ? Non. Mais pour ceux qui le connaissent, c'est difficile à imaginer qu'il soit un terroriste. Ils se disent qu'il a été embarqué là-dedans. Ils gardent une certaine sympathie pour le Salah qu'ils ont connu, il était perçu comme quelqu'un de jovial, qui adorait la fête, un petit délinquant - lui et son frère tenaient un café où il y avait du trafic de stupéfiants, fermé à l'automne - mais rien de plus...

Le fait qu'il n'ait pas été jusqu'au bout confirme le sentiment des gens qui l'ont connu. C'est bien qu'il ait été arrêté vivant pour qu'il ne soit pas vu comme un martyr, ça aurait pu nourrir les théories du complot, ça aurait vraiment eu un impact négatif."

Q/ Comment luttez-vous contre les phénomènes de radicalisation?

R/ "On a plusieurs axes: un axe de prévention de crise, on accompagne les familles dont on suspecte qu'un proche va partir en Syrie, on essaie de recréer un lien affectif avec les familles. On essaie de décrédibiliser les discours des recruteurs, on organise des débats, des rencontres, on fait des pièces de théâtres...

Par exemple, le dernier débat c'était avec Mourad Benchellali, ancien détenu de Guantanamo, qui est très légitime auprès des jeunes et tient un discours qui tient la route.

Un autre axe est la +stérilisation du terreau+ dans lequel les recruteurs viennent puiser les jeunes les plus fragiles, en colère, ceux qui se sentent considérés comme des citoyens de seconde zone. On travaille sur l'identité politique des jeunes, pour qu'ils se sentent plus utiles, plus aimés. Si on lutte mieux contre les discriminations, les stigmatisations, ils seront plus forts contre les discours de haine."

(Propos recueillis par Pauline FROISSART)


 

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