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Jihadistes retenus en Syrie: une famille accuse la France d'inaction et obtient une enquête judiciaire

Jihadistes retenus en Syrie: une famille accuse la France d'inaction et obtient une enquête judiciaire
Des gardes armés accompagnent deux femmes de jihadistes dans le camp de Al-Hol, dans le nord-est de la Syrie, le 23 juillet 2019 DELIL SOULEIMAN
 
 

La mère d'une jihadiste française retenue depuis deux ans avec ses enfants dans un camp kurde en Syrie a obtenu l'ouverture d'une enquête judiciaire pour examiner la responsabilité de la France, accusée d'inaction face à ces "détentions arbitraires", a appris l'AFP de sources concordantes.

Dix-huit mois après une première plainte classée sans suite, une information judiciaire a finalement été ouverte à Paris le 10 octobre du chef "d'abstention, par les autorités françaises, de mettre fin à une détention arbitraire", selon une source judiciaire.

Cette nouvelle procédure s'inscrit dans une série de recours menés tous azimuts - CEDH, ONU, tribunal administratif,... - depuis bientôt deux ans, afin d'obtenir le rapatriement des jihadistes françaises et de leurs enfants. Le gouvernement français s'est opposé jusqu'à présent à ces retours, à l'exception du rapatriement humanitaire de quelques orphelins au printemps.

Estelle K., 30 ans, et ses trois enfants, âgés de moins de 10 ans, sont aux mains des Kurdes depuis sa reddition avec son mari, en septembre 2017. Le couple avait quitté la France en 2014 pour rejoindre le groupe État islamique. Son mari, transféré en Irak, a été condamné à mort en juin.

Début 2018, leur famille et plusieurs autres avaient, en vain, réclamé une enquête contre les autorités françaises, accusées de laisser perdurer ces rétentions qualifiées de "détentions arbitraires", sans jugement des adultes et mettant en danger la vie des enfants.

Le procureur de Paris, François Molins, avait classé leurs plaintes. Il avait expliqué ne pouvoir tenir les autorités responsables de cette situation, "puisque la France n'a plus de représentation diplomatique en Syrie" depuis 2012 et n'avait donc pas "les moyens d'agir sur ce théâtre armé". A l'époque, les autorités kurdes avaient affirmé nettement leur intention de juger eux-même ces femmes.

La famille d'Estelle K. avait déposé une nouvelle plainte, cette fois avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction - procédure qui entraîne quasi automatiquement la désignation d'un juge d'instruction. Cette nouvelle plainte est restée lettre morte pendant 18 mois jusqu'au réquisitoire introductif pris le 10 octobre par le parquet de Paris, contre personne non dénommée.

Un juge d'instruction doit encore être désigné pour mener cette procédure, qui pourrait permettre d'auditionner les familles et des responsables français.

"C’est volontairement qu’on a refusé de rapatrier nos ressortissants", ont réagi les avocats de la mère d'Estelle K., William Bourdon et Vincent Brengarth. "Aux violations des droits de l’Homme, s’ajoute également aujourd’hui le risque que ces familles soient récupérées par le groupe État islamique, la France aura sciemment assumé ce risque", ont-ils ajouté.


 

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