En ce moment
 
 

Californie: des milliers de migrants débarqués par des policiers débordés

 
 

"Ce n'est pas à moi de vous dire quoi faire !", lance sèchement un agent de la police aux frontières américaine en relâchant un groupe d'immigrés clandestins latino-américains qu'il vient de convoyer à la gare routière de San Bernardino, en Californie.

Depuis le mois de mars, quelque 40.000 familles, en majorité originaires d'Amérique centrale, ont déjà été remises en liberté par la police aux frontières après avoir déposé une demande d'asile aux Etats-Unis.

Débordées par l'afflux de clandestins à la frontière mexicaine (plus de 100.000 par mois en mars et avril), les autorités américaines n'ont plus les moyens de tous les maintenir en détention. Elles ont donc officiellement décidé de relâcher "les familles" dont aucun membre n'a de casier judiciaire en attendant qu'un tribunal examine leur cas.

Depuis une semaine, des migrants, très souvent avec enfants, sont ainsi littéralement débarqués à un arrêt de bus de la ville de San Bernardino (sud-ouest des Etats-Unis), à 100 km à l'est de Los Angeles, sans argent, sans nourriture, sans aide... juste une convocation en justice dans la poche et leurs maigres possessions dans un sac en plastique.

La plupart d'entre eux ne parlent pas anglais.

En ce milieu de matinée, trois fourgonnettes blanches frappées du sigle vert de la police aux frontières s'immobilisent. Les portes de l'une d'elles s'ouvrent sur des barreaux derrière lesquels sont assis une douzaine de migrants à l'air perdu, éblouis par la lumière et les yeux battus de fatigue.

"Est-ce qu'on peut louer des téléphones ici?", demande aussitôt l'un d'eux.

"C'est vous qui avez voulu venir aux Etats-Unis, débrouillez-vous!", répond le policier au volant. "Qu'est-ce que vous voulez en plus? Que je vous donne ma maison?", lance-t-il, toujours en espagnol, avant de les faire descendre.

- Bienvenue à San Bernardino -

Heureusement pour les nouveaux arrivants, un petit comité d'accueil les attend, sans uniforme et avec le sourire. Il s'agit de Jennaya Dunlap et d'une dizaine d'autres bénévoles de la Coalition pour la justice envers les immigrés, une fédération d'ONG de Californie du sud.

"Soyez les bienvenus. Ne vous en faites pas, nous allons vous aider", les rassure la militante.

Aussitôt, les bénévoles - qui tiennent à l'écart l'équipe de l'AFP - donnent aux migrants de l'eau, des barres de céréales et leur demandent s'ils ont des problèmes de santé.

Sur les 36 débarqués ce matin-là, beaucoup n'ont pas mangé correctement et n'ont pas pu prendre une douche depuis des jours.

Les sans-papiers, dont des adolescents et des enfants qui bâillent, la tête posée sur les genoux des plus grands, sont ensuite amenés jusqu'à un refuge établi à l'intérieur d'une église catholique de San Bernardino par le diocèse.

- "Raison politique" -

Lorsque la police les relâche à la gare routière, les sans-papiers sont désorientés, explique Mme Dunlap. Ils demandent: "Où sommes-nous? Quelle région c'est?" et tentent de se repérer en lisant les plaques des voitures, raconte la bénévole.

Car "lorsqu'on les fait monter dans la fourgonnette, on ne leur dit pas qu'ils vont à San Bernardino ou quoi que ce soit", s'indigne-t-elle.

Selon la bénévole, 90% des migrants pris en charge par la Coalition viennent du Guatemala et la plupart ont franchi la frontière dans l'Arizona voisin, à plusieurs centaines de kilomètres de là.

Beaucoup ne resteront dans le refuge de San Bernardino que deux ou trois jours, le temps de prendre contact avec de la famille ou des amis déjà présents aux Etats-Unis et d'organiser leur voyage jusqu'à eux.

Pourquoi dans ce cas les débarquer à San Bernardino ?

La police aux frontières n'a pas donné d'explication à l'AFP mais Jennaya Dunlap, elle, y voit une "raison politique": la promesse faite par le président Donald Trump d'envoyer des milliers de sans-papiers vers les "villes sanctuaires", celles qui refusent de coopérer avec la police de l'immigration et de dénoncer les clandestins aux autorités.

San Bernardino s'est en effet officiellement déclarée "ville sanctuaire", mais les migrants n'y sont pas pour autant toujours les bienvenus.

A l'arrivée des fourgonnettes de la police, un homme blanc à la barbe grise en bataille les suit dans son gros pick-up rouge et invective les migrants. "Renvoyez-les à Tijuana!", grande ville frontalière mexicaine, hurle-t-il aux policiers.

"Ou encore mieux, à San Francisco", "ville sanctuaire" traditionnellement très démocrate, ricane le vieil homme.


 

Vos commentaires