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En France, soutien maximal des armées aux sportifs avant les JO-2024

 
 

"Détendu des jambes, je dois faire corps avec mon arme", explique l'instructeur militaire, fusil à l'épaule devant des sportifs en treillis. L'armée, employeuse historique des athlètes français, a multiplié les recrutements en amont des JO de Paris, espérant provoquer une moisson de médailles.

Médaillé de bronze aux derniers Jeux olympiques de Tokyo et champion d'Europe des -60 kg, le judoka Luka Mkheidze, récemment engagé, se familiarise au maniement d'un pistolet. "C'est impressionnant. C'est lourd. C'est la première fois que je tiens une arme", décrit-il.

Comme lui, Nicolas Gestin, vice-champion du monde de canoë-kayak, participe à un premier stage d'incorporation dans "l'armée des champions".

Un dispositif héritier du "bataillon de Joinville", que fréquentèrent moult gloires françaises, dont Michel Platini et Yannick Noah, du temps de la conscription.

Depuis lors, les armées ont soutenu des centaines de sportifs tricolores, leur offrant salaire et accompagnement, assortis de perspectives d'évolution voire de reclassement pour ceux qui le souhaitent. Mais durant leur carrière sportive, les sollicitations militaires sont rares.

"On leur offre un cadre" qui les "stabilise" et les "libère" pour devenir parfois "les meilleurs du monde", s'enthousiasme le commandant Erwan, en charge du dispositif.

L'armée affirme avoir contribué à faire gagner 117 médailles olympiques et paralympiques depuis 2003, dont 45 en or. Aux derniers JO de Tokyo, ses athlètes ne représentaient que 14% de la délégation française, mais ont remporté 40% des médailles et la moitié des titres olympiques.

- "Chance" -

Les conditions financières proposées sont tout sauf mirobolantes: 1.300 euros net mensuels - même pas un jour de salaire d'un footballeur moyen de Ligue 1. Mais pour des champions de disciplines moins riches, ce complément financier est vital.

Nicolas Gestin, auparavant employé de son club de kayak de Quimperlé (ouest), raconte qu'il devait chaque année faire le tour des collectivités territoriales environnantes pour se financer.

Incorporer les armées est "une chance hors norme", dit-il : "Je sais que je suis serein sur les prochaines années. Je vais pouvoir pagayer et vivre de ma passion."

"C'est rassurant parce qu'on sait que l'armée va nous suivre jusqu'au bout", même blessés, opine Luka Mkheidze, qui, avant d'intégrer l'équipe de France, disposait d'à peine 800 euros pour vivre à Paris, loyer compris. Aujourd'hui, "je vis correctement. J'arrive à mettre un peu d'argent de côté et je peux financer tout ce dont j'ai besoin pour performer en judo".

Sans l'aide de l'armée et d'autres institutions publiques, "on aurait plein de sportifs qui n'arriveraient pas à ce niveau", reconnaît Sébastien Mansois, directeur technique national de la Fédération française de judo.

Il loue cette "spécificité française" qu'est l'"accompagnement des athlètes par l’État", très différent du "modèle anglo-saxon, plus libéral, d'accompagnement par des grandes entreprises", et plus généreux que le soutien de nombreux pays à leurs sportifs.

- "Moyens concentrés" -

Championne de judo au Danemark, Helene Christensen, rencontrée lors d'un tournoi à Paris, confie ainsi avoir dû payer son séjour parisien en partie de sa poche, et avoir "trois jobs, en plus d'être étudiante à temps partiel", pour boucler son budget sportif.

Au Royaume-Uni, beaucoup de judokas de niveau national "travaillent en soirée dans des restaurants ou pubs", raconte Jacob Eyres, un kiné de l'équipe britannique.

Une situation un peu plus rare désormais en France, où 224 sportifs font actuellement partie de "l'armée des champions", un chiffre en hausse de 60% ces trois dernières années. La police emploie 66 athlètes de haut niveau, contre 25 en 2022.

Les douanes ont 40 sportifs sous contrat. Éducation nationale et collectivités territoriales en salarient également des dizaines.

"On n'a jamais eu autant de moyens que pour ces Jeux", s'enthousiasme Ludovic Royé, le directeur technique national de la Fédération française de canoë-kayak. Des moyens "concentrés sur les bonnes cartouches", soit les athlètes médaillables aux JO, affirme-t-il.

Une stratégie en ligne avec l'objectif fixé par le président Emmanuel Macron d'atteindre le "Top 5 olympique" des pays les plus médaillés à Paris - la France avait fini 8e aux JO de Tokyo.

Les néo-soldats Luka Mkheidze et Nicolas Gestin partagent ces ambitions. Le premier dit viser "la Marseillaise", le second "l'or" cet été.


 

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