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Au procès des parents de Bastien, un travailleur social défend son honneur

Au procès des parents de Bastien, un travailleur social défend son honneur
Croquis d'audience de la mère de Bastien, Charlène Cotte (d), et de son père Christophe Champenois (g) lors de leur procès devant les assises de Seine-et-Marne à Melun, le 8 septembre 2015Benoit Peyrucq
 
 

La voix hachée par l'émotion, le travailleur social qui suivait Bastien, 3 ans, mort dans un lave-linge où son père l'avait enfermé, a défendu jeudi son honneur et son "boulot" face aux interrogations des médias sur la responsabilité des services sociaux dans ce drame.

Lors de l'audience, la machine à laver, une étroite machine à chargement par le haut, dans lequel le petit garçon de 17 kilos est mort confiné, a été exhibée à la demande de l'avocat général, Eric de Valroger, qui tenait à ce que "les jurés la voient".

Le jeudi 24 novembre 2011, veille du soir fatidique, le père de Bastien, Christophe Champenois, laisse un message sur le répondeur de l'assistant éducatif qui suit la famille.

"Il y a un gros, gros problème avec Bastien. Il arrête pas de faire des bêtises. Non-respect des camarades. Si vous faites rien du tout, je le balance du deuxième étage, même s'il faut que je fasse 15 ans de prison", menace-t-il. Aujourd'hui âgé de 36 ans, Christophe Champenois est jugé depuis mardi pour meurtre aggravé devant la cour d'assises de Seine-et-Marne. Le verdict est attendu vendredi.

En entendant l'enregistrement, diffusé lors de l'audience, le travailleur social, qui a demandé à garder l'anonymat, se prend la tête dans les mains et pleure. Ce message, il n'en a pris connaissance que le lundi suivant, à son retour au travail après une semaine d'arrêt-maladie. Bastien était déjà mort des suites de son confinement dans le tambour de la machine à laver, lancée en mode essorage.

Ses interventions dans la famille "se sont terminées à ce moment-là", dit-il.

Depuis février 2011, il rendait régulièrement visite à la famille, qui occupe un petit deux-pièces à Germigny-l'Evêque, en Seine-et-Marne.

Il parle de Bastien comme d'un petit garçon "dynamique, souriant malgré tout, joyeux. Il aimait jouer. Il était plein de vie".

Logement insalubre, difficultés financières et "carences éducatives": la famille est connue des services sociaux depuis la naissance en 2006 de la sœur aînée de Bastien.

- "J'ai fait mon boulot" -

Lors de ces visites, toujours annoncées, et parfois déclenchées par un appel anonyme au 119, le père et la mère, Charlène Cotte (29 ans à présent), se montrent rassurants. Les enfants sont aussi vus par le médecin de la Protection maternelle et infantile, qui ne décèle "aucun signe de maltraitance".

"C'est vrai qu'on s'interrogeait sur la place de Bastien dans cette famille. Il était vu comme l'enfant turbulent, qu'on devait cadrer", relate le travailleur social, étranglé par l'émotion.

Il propose "un accueil provisoire" pour Bastien et, face au refus de la mère, se démène pour lui trouver une assistante maternelle, histoire de "séparer un peu Bastien de sa famille".

En petite section de maternelle, Bastien tape et mord ses camarades. Un suivi psychologique de l'enfant est proposé et un rendez-vous fixé, que les parents n'honorent pas.

Blessé par les "mises en cause" des services sociaux dans la presse, l'assistant-éducatif assure: "j'ai fait mon boulot et je continuerai de le faire".

Il qualifie l'aide consacrée à la famille d'"exceptionnellement importante", sachant que l'Aide sociale à l'enfance de Seine-et-Marne prend en charge environ 5.000 familles et doit traiter près de 6.000 informations préoccupantes par an.

Pensez-vous que la famille était "adhérente" à vos conseils? l'interroge la présidente, Catherine Katz. "Je le pensais, mais ce qui s'est passé me fait dire que c'était fictif", tranche-t-il.

"Votre émotion est la nôtre", lance Me Yves Crespin, avocat de l'association L'Enfant bleu, partie civile. "Il n'y a pas lieu de mettre en cause des individus, c'est le système qui a failli", ajoute l'avocat, pointant l'absence de "formation à l'identification de la maltraitance".

"Dans ce dossier, je ne vois que deux accusés: M. Champenois et Mme Cotte", renchérit Me Jean-Christophe Ramadier, l'avocat du père de Bastien. Ce couple "pathologique", que les experts psychiatriques ont décrit comme "conscient et lucide" au moment des faits, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.


 

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