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Joseph, un migrant qui a échappé à la noyade, raconte son parcours périlleux sur scène: "Cela m'a aidé à rester en vie"

Joseph, un migrant qui a échappé à la noyade, raconte son parcours périlleux sur scène: "Cela m'a aidé à rester en vie"
Image d'illustration
 
 

Le Nigérian Joseph Eyube, arrivé en Italie sur un bateau de migrants, en était persuadé. Lui qui se qualifie volontiers de "comique" était fait pour être acteur. Et il le prouve aujourd'hui sur la scène d'un théâtre romain.

Agé de 34 ans, il fait partie d'une "troupe" de 20 demandeurs d'asile, qui constituent les deux tiers du casting d'une pièce racontant leur voyage entre Afrique et Europe, à travers le Sahara et la Méditerranée."Parfois, quand je regardais la télévision ou un film au cinéma, je me disais +je suis sûr que je peux faire mieux que ce type+", a-t-il raconté, lors d'une pause avant la première de "Sabbia" (Sable), au théâtre Argentina à Rome. Et il le prouve, dans cette pièce écrite en plusieurs langues lors d'un atelier théâtre mis en place dans l'un des centres d'accueil situé dans le Latium (centre), à Castelnuovo di Porto, où il joue l'un des rôles principaux.


"Il fallait que je me trouve quelque chose pour m'aider à rester en vie, à me bouger"

Comme nombre des quelque 800 demandeurs d'asile de Castelnuovo, Joseph Eyube a été secouru en octobre dernier par les autorités italiennes alors que le bateau sur lequel il dérivait en Méditerranée menaçait de couler. Alors quand Riccardo Vannuccini, le patron de la compagnie ArteStudio, lui a proposé de le rejoindre, il a sauté sur l'occasion.

ArteStudio a une particularité, elle produit des pièces de théâtre évoquant la guerre, la prison, dans lesquelles jouent des personnes déplacées, handicapées, ou victimes de tortures."Je n'avais jamais eu l'occasion de faire de théâtre avant", explique le jeune homme. "Il fallait que je me trouve quelque chose pour m'aider à rester en vie, à me bouger".


"Voix chaude de baryton"

Car, confie-t-il, "un homme ne peut pas passer sa vie à dormir et manger, manger et dormir", l'ordinaire de milliers de migrants bloqués en Italie dans l'attente que les autorités statuent sur leur sort. Au lieu de ça, il préfère, comme il le fait dans "Sabbia", réciter de sa voix chaude de baryton le monologue "Etre ou ne pas Etre", tiré du Hamlet de Shakespeare.

"Cette année, 200.000 personnes vont arriver en Italie, et dans les prochaines années, ce chiffre peut atteindre le million. C'est un évènement sans précédent, pour ceux qui fuient leur pays comme pour ceux qui vont les accueillir", explique le metteur en scène. Travailler avec de jeunes Africains a été une grande joie, confie Riccardo Vannuccini, et ce malgré leur manque d'expérience théâtrale. Une tournée en Italie est d'ailleurs prévue, pour que l'aventure continue."Notre pièce n'est pas à proprement parler du théâtre littéraire mais plus du théâtre d'action, souligne-t-il. Notre approche est similaire à celle du sport, quand il s'agit de créer une équipe. Du coup, nous nous sommes bien amusés et des amitiés sont nées".


Sauvé de la noyade

Pour Joseph Eyube et ses camarades, devoir apprendre son texte, se souvenir de ses déplacements sur scène, permet d'occuper son esprit, et d'oublier un temps le stress de l'avenir et les douloureux souvenirs du passé."Je ne veux vraiment pas vous parler de mon voyage, je sais ce que j'ai dû faire et ce que j'ai vu et je ne veux plus en parler", dit fermement le Nigérian. Même s'il ne peut s'empêcher de penser à la chance qu'il a eue de "sauter, par la grâce de Dieu", pour se sauver de la noyade, contrairement à d'autres qu'il a vu mourir.

Un autre acteur de la pièce, Farba Mangane, un Sénégalais de 22 ans, n'avait jamais vu la mer avant d'être forcé à embarquer dans un bateau partant de Libye. Traumatisé par son voyage, et les sévices subis, il ne recommence à uriner normalement, sans l'aide de médicaments, que maintenant, 13 mois après son périple.

Au centre d'accueil, "je pensais trop: est-ce que je vais obtenir des papiers ? Est-ce que je vais arriver à gagner de l'argent ?", raconte-t-il à l'AFP. Mais, ajoute-t-il, "depuis que j'ai commencé le théâtre, je me sens mieux et plus détendu".


 

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