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Au Portugal, l'industrie papetière paie 250 pompiers privés pour protéger les forêts d'eucalyptus

Au Portugal, l'industrie papetière paie 250 pompiers privés pour protéger les forêts d'eucalyptus
(c) AFP
 
 

Chaque matin, Pedro Simoes et ses hommes enfilent leur uniforme ignifuge jaune et vert et montent à bord de leur hélicoptère pour protéger les forêts d'eucalyptus du centre du Portugal, propriété de leur employeur.

Ils font partie des 250 pompiers privés payés par l'industrie papetière pour s'assurer que sa matière première ne part pas en fumée dans ce pays régulièrement ravagé par des feux de forêt meurtriers.

Dans la plupart des pays, la protection des forêts contre les incendies est assurée exclusivement par l'Etat. Au Portugal, les deux principaux groupes papetiers nationaux, Navigator et Altri, ont mutualisé leurs moyens pour créer, en 2002, leur propre corps de pompiers.

Mobilisé pendant les mois d'été, l'Afocelca est doté d'un budget annuel de 3 millions d'euros, un montant équivalent à celui dépensé dans des travaux de prévention des incendies réalisés hors saison.

La filière, premier propriétaire forestier du pays, possède pour l'essentiel 150.000 hectares de plantations d'eucalyptus comme celles qui surplombent la bourgade de Constância et son usine de pâte à papier, situées au bord du Tage à une centaine de kilomètres au nord-est de Lisbonne.

Les pompiers privés interveniennent souvent pour aider la protection civile, dont le dispositif s'élevait cette année à 6.000 pompiers volontaires appuyant quelque 1.500 professionnels à plein temps.

"L'idéal c'est de combattre l'incendie à l'extérieur de nos propriétés", explique à l'AFP Rui Ventura, coordinateur régional de l'Afocelca.

L'eucalyptus en accusation

L'industrie papetière portugaise utilisant principalement de l'eucalyptus, elle est souvent pointée du doigt par les défenseurs de l'environnement, qui considèrent que la prolifération de cette espèce est un des facteurs favorisant les feux de forêt, comme ceux qui ont tué plus de cent personnes en 2017.

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(c) AFP

L'espèce, qui doit sa rentabilité à sa croissance rapide, occupe désormais une surface totale de quelque 900.000 hectares, soit un quart des forêts du pays.

Beaucoup d'experts soulignent cependant qu'elle est non seulement particulièrement inflammable mais que ses feuilles et son écorce peuvent être emportées par le vent, accélérant la progression des feux.

"Les incendies sont de plus en plus intenses, mais ce n'est pas la faute des eucalyptus", réplique Pedro Simoes, chef d'une des trois équipes héliportées de l'Afocelca, basée entre deux collines couvertes de jeunes eucalyptus poussant en rangs réguliers, séparés par des allées ratissées.

"Dans les bois de nos entreprises, le feu n'avance pas de façon aussi féroce. C'est l'abandon des forêts qui provoque les grands incendies", affirme ce consultant de 39 ans, ancien pompier volontaire passé par les unités spéciales de la protection civile.

Pourtant, le choc de 2017 a poussé le Parlement à limiter la surface totale pouvant être consacrée à la plantation d'eucalyptus, au grand dam d'une industrie qui représente 4,6% des exportations portugaises.

Forêts à l'abandon

Cette année là, un record historique d'environ 500.000 hectares ont brûlé, endommageant 6% des propriétés de l'industrie du papier contre 2% en moyenne annuelle.

Paulo Pimenta de Castro, président de l'association pour la promotion d'une forêt durable Acréscimo, est de ceux qui dénoncent "l'épidémie d'eucalyptus" comme un des facteurs à l'origine d'incendies toujours plus ravageurs.

"Environ deux tiers des quelque 900.000 d'hectares d'eucalyptus sont laissés à l'abandon", dit-il. Sans entretien entre deux coupes réalisées tous les dix ans environ, la végétation envahit les sous-bois et la forêt s'embrase facilement, explique l'agronome.

Les détracteurs de l'industrie papetière ne mettent pas tant en cause ses propres plantations d'eucalyptus que le fait qu'elle se fournisse auprès de centaines de milliers de petits propriétaires qui, eux, n'investissent pas dans la prévention des incendies.

L'association Acréscimo voudrait ainsi que l'industrie du papier soit obligée de s'auto-approvisionner en bois à hauteur de 50%, contre 20% actuellement.

La filière, troisième producteur de pâte à papier en Europe, fait "un effort permanent" pour accroître sa surface de production, assure un porte-parole de l'Association de l'industrie papetière portugaise. Mais, dit-il, dans un pays où 78% des forêts appartiennent à de petits propriétaires, elle reste "limitée par leur disponibilité" à lui céder des terres.


 

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