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Procès du TGV Est: le respect "à la lettre" de la "feuille de route" par le conducteur

Procès du TGV Est: le respect "à la lettre" de la "feuille de route" par le conducteur
Accident d'une rame d'essais de TGV tombéela veille après son déraillement dans un canal à Eckwersheim, près de Strasbourg, le 15 novembre 2015 dans le Bas-Rhindans un canal à Eckwersheim, près de StFrederick FLORIN
 
 

Présent dans la cabine de pilotage de la rame du TGV qui a déraillé le 14 novembre 2015, causant la mort de 11 personnes, le conducteur en second a expliqué jeudi à la barre à Paris que le rôle du conducteur était "de respecter à la lettre la feuille de route" des essais.

Le cheminot Jean-Yves L., aujourd'hui à la retraite, ne conduisait pas la rame d'essai au moment de l'accident mais il était aux commandes du TGV le matin même de l'accident et trois jours avant.

Des incidents avaient été relevés à l'occasion de ces deux essais mais, comme l'a relevé le témoin, "je faisais confiance à ce qu'on me demandait".

Le jour de l'accident, sept personnes (dont trois "invités") se trouvaient dans la cabine de pilotage. Jean-Yves L. a été brièvement placé en garde à vue après l'accident mais n'a pas été mis en examen.

En revanche, les trois autres professionnels présents dans la cabine sont sur le banc des prévenus au tribunal correctionnel de Paris. Il s'agit de Denis T., conducteur titulaire au moment de l'accident, Francis L., cadre de la SNCF chargé de lui donner les consignes de freinage et d'accélération, et Philippe B, technicien de Systra (la société maître d'oeuvre des essais, ndlr) chargé de renseigner le conducteur sur les particularités de la voie.

Ces trois personnes sont poursuivies pour "homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité". Trois personnes morales (la SNCF, SNCF-Réseau et Systra) sont poursuivies pour les mêmes chefs.

La vitesse excessive de la rame à l'entrée d'une courbe et un freinage tardif sont à l'origine de l'accident de la future ligne à grande vitesse Est européenne (LGVEE), à hauteur d'Eckwersheim (Bas-Rhin), à 20 km de Strasbourg.

Mais qui exigeait que le train qui transportait au total 53 personnes (du personnel de la SNCF et de Systra et des invités, dont quatre enfants) roule en "survitesse" et qui déterminait où il devait freiner ?

- "Je n'ai pas eu peur" -

Le chef d'essai, salarié de la Systra, se trouvait loin de la cabine de pilotage, dans la "voiture-laboratoire", avant-dernière voiture de la rame. Il fait partie des 11 personnes qui ont perdu la vie dans l'accident.

Jean-Yves L. se souvient que peu avant le déraillement, il y a eu un appel à l'interphone entre le chef d'essai et la cabine de pilotage. Cet appel a "fortement perturbé" les consignes de conduite attendues dans la cabine de pilotage, rapporte le témoin.

Le tronçon où s'est produit l'accident était particulièrement délicat.

Le 11 novembre, alors qu'il occupait le poste de conducteur titulaire, Jean-Yves L. reconnait n'être pas parvenu à respecter les consignes de vitesses demandées et avoir dépassé de 70 km/h la vitesse de consigne. "Je n'ai pas eu peur mais il y a eu un problème", a admis le cheminot.

Celui-ci a assuré avoir signalé cet incident mais aucune mesure de correction n'a été prise pour éviter qu’une telle faute se reproduise et il semble que personne dans l’équipe d’essais n’y a prêté attention.

Le 14 novembre au matin, alors qu'il était de nouveau conducteur titulaire, le freinage a été enclenché trop tôt faisant croire à l'équipe de l'après-midi, qu'il y avait "de la marge" pour décélérer.

Au fur et à mesure que les témoignages se succèdent, le manque de communication entre les équipes de la SNCF et celles de Systra apparait béant. Pas de débriefings, pas de remontées d'incidents. "Je savais que Systra était impliqué dans les essais mais je ne connaissais pas leur rôle", a résumé Jean-Yves L.

Le cheminot reconnaît n'avoir même pas été mis au courant de l'existence en cabine d'une "alarme d'instabilité" censée permettre d'anticiper un danger.

"On a l'impression de deux mondes qui se confrontent même s'ils se font confiance", a résumé au cours des débats la présidente de la 31e chambre.

"On a d'un côté celui de la conduite qui ne connaît pas celui des essais et de l'autre celui des essais qui ne connaît pas les métiers de la conduite", a-t-elle expliqué.

Le procès est prévu jusqu'au 16 mai.


 

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