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Crise agricole et crise des réfugiés: l'Europe pourrait faire d'une pierre deux coups

 
 

La crise de la filière bovine pourrait-elle avoir une issue humanitaire ? Les professionnels réunis au Sommet de l'élevage en Auvergne poussent l'Europe à distribuer ses surplus de viande dans les principaux pays d'accueil des réfugiés syriens.

"Nous avons proposé au Commissaire européen à l'Agriculture Phil Hogan de retirer de la viande du marché pour aider des zones en état de guerre ou en grande difficulté en raison des migrants", a déclaré à l'AFP Guy Hermouet, président de la section bovins au sein de la Fédération interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev), mercredi au premier jour du Sommet.

Dans son esprit, cette proposition permettrait surtout d'assainir le marché européen de la viande dont les cours s'effondrent en raison d'un afflux massif de bêtes dans les abattoirs.

La crise bovine "est un effet domino" de la surproduction laitière, elle-même consécutive à la levée des quotas laitiers en 2015, explique Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération Nationale Bovine lors d'un entretien avec l'AFP. "Il manque un euro par kilo de viande aux éleveurs français pour couvrir leurs frais."

Du coup, sur 80.000 exploitations agricoles spécialisées dans la viande bovine en France, "20.000 sont en état de quasi-faillite aujourd'hui", selon son estimation.

Et le phénomène est européen. Sur les 28 pays membres de l'UE, "un million de vaches laitières de plus qu'en 2015" vont être abattues en 2016, afin de réduire drastiquement la production pour soutenir les cours du lait, poursuit M. Fleury qui préside aussi le groupement des producteurs de viande européen.

- Corned-beef européen -

"L'aide humanitaire que nous avons proposée serait sous la forme de corned-beef" mais toutes les modalités de fabrication et d'indemnisation "sont encore à négocier et déterminer", indique-t-il.

Les éleveurs français, qui pèsent lourd à l'échelle européenne, avaient déjà évoqué cette idée en marge du récent salon de l'élevage Space à Rennes, mais avaient alors reçu une fin de non-recevoir du Commissaire européen, selon un professionnel de la filière.

"Pour la première fois aujourd'hui, Phil Hogan a commencé à accepter cette idée, alors que ce n'était pas le cas à Rennes", fait valoir Guy Hermouet: "Il nous a dit: +ce sont des choses que l'on peut mettre en place+".

Mais le Commissaire s'est bien gardé d'en parler publiquement. Lors de son intervention devant la presse, il s'est borné à annoncer une enveloppe de 15 millions d'euros pour faire la promotion de la viande dans l'UE, assurant que "ce n'est qu'un début".

Le ministre français de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, attendu au Sommet jeudi matin, sera certainement interrogé lui aussi sur le sujet, en vue du prochain conseil européen de l'Agriculture, le 10 octobre.

Les professionnels affirment s'être inspirés des Américains pour faire leur proposition. Pour les pays voisins de la Syrie - Turquie, Liban, Jordanie - qui accueillent des millions de réfugiés et que l'UE aide déjà financièrement, il s'agirait là d'une aide en nature.

"Nous tenons à ce que ce soit exclusivement de l'aide humanitaire, afin de ne pas inonder d'autres marchés comme l'Afrique, qui eux aussi souffriraient", a précisé M. Hermouet.

Lors de la crise de la vache folle, les vaches abattues par milliers ont été payées aux éleveurs, note Philippe Chotteau, chef du département économie de l'Institut de l'Elevage. "Bien sûr, il ne s'agit pas de léser les éleveurs laitiers, les vaches de réforme devront être payées au prix du marché", conclut M. Hermouet.


 

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