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"Mon mec est trop jaloux": les jeunes pas à l'abri de l'emprise dans le couple

"Mon mec est trop jaloux": les jeunes pas à l'abri de l'emprise dans le couple
De nombreuses jeunes filles sont victimes de phénomènes d'emprise ou de contrôle... sans mettre des mots dessus, selon une association féministeLUDOVIC MARIN
 
 

"Mon mec est trop jaloux, il ne veut plus que je voie mes potes". De nombreux couples jeunes, voire adolescents, sont déjà le lieu de pressions psychologiques et d'emprise, une violence invisible sur laquelle alertent des associations.

De nombreuses jeunes filles sont victimes de phénomènes d'emprise ou de contrôle... sans mettre des mots dessus, estime l'association féministe En avant toutes, qui répond aux ados par tchat sur son site commentonsaime.fr.

Elle lance mercredi une campagne intitulée "Ceci n'est pas un message d'amour", pour mettre en garde les jeunes contre les violences psychologiques dans le couple.

"Elles disent +mon mec est trop jaloux, il ne veut plus que je voie mes potes+, il a les mots de passe de ses comptes", décrit Ynaée Benaben, directrice générale de En Avant Toutes.

A l'ère du numérique, l'emprise peut s'exercer à distance, jour et nuit, selon un autre témoignage cité par la responsable: "Il habite à 100 kilomètres, mais il demande qu'elle lui envoie des textos quand elle sort et rentre, des photos pour voir comment elle est habillée."

"Il veut me géolocaliser, il dit que c'est normal pour me protéger", confie aussi Lola (pseudo) sur ce tchat.

- Humiliations, dénigrement -

Selon un baromètre publié par les Apprentis d'Auteuil en septembre sur la vie affective des jeunes, 25% des 16-20 ans interrogés pensaient qu'on "peut regarder les messages et applications mobiles" de son partenaire sans son autorisation.

Pour la moitié d'entre eux, la jalousie était "une preuve d’amour".

Les jeunes femmes "ont du mal à identifier ces comportements comme des violences, la possessivité est interprétée comme un signe que l'autre se soucie d'elles", estime la psychologue Sonia Pino, fondatrice de l'association de lutte contre les violences conjugales Elle's imagine'nt.

Les pressions prennent parfois la forme d'humiliations, de dénigrement, d'un chantage au suicide. Pour les associations, cela prépare le terrain aux violences physiques et sexuelles en isolant la victime, en minant sa confiance en elle et sa capacité à réagir.

Selon l'Ined (Institut national d'études démographiques), les hommes déclarent peu de violences (1 à 3%) en couple et seulement psychologiques, alors que 10% des femmes déclarent des violences, plus fréquentes et accompagnées de violences physiques et sexuelles.

Or les jeunes filles ont du mal à se réaliser victimes: elles associent les violences conjugales aux femmes plus âgées avec un oeil au beurre noir qu'elles voient sur les affiches, selon Ynaée Benaben.

"Les jeunes ont moins de points de comparaison que les plus âgés pour voir ce qui n'est pas normal. Ils pensent que l'autre peut changer", explique la psychologue Sonia Pino.

- "Qu'à moi" -

Pour Morgane Ortin, qui publie sur sa page Instagram Amours Solitaires des textos amoureux, majoritairement écrits par de jeunes adultes, que lui envoient ses 860.000 abonnés, "nous avons été élevées avec des films qui valorisent l’amour passionnel, l'amour qui fait mal".

"L'idée qu'on est dépossédé de soi quand on est amoureux, c'est dangereux. On dit que l'amour fait perdre la tête, mais il peut faire perdre la vie", relève-t-elle.

"+Je tuerais pour tes lèvres+, +Je t'aime tellement que je voudrais que tu ne sois qu'à moi+: J'ai publié dans le passé des SMS qui romantisent l'amour qui fait mal, la possessivité, que je dépublie aujourd'hui", explique-t-elle.

Les associations travaillent à sensibiliser les jeunes aux dérives possibles et les aider. En Avant Toutes fait de la prévention dans les classes, depuis l'école jusqu'aux universités.

Le violentomètre, créé par des associations à l'attention des jeunes femmes, offre une échelle claire de la violence verbale à la violence physique, pour mieux identifier les signes d'abus. En novembre, Evry (Essonne) l'a affiché dans ses rues.

Les étudiantes sont elles ciblées par une campagne récemment lancée par le gouvernement, davantage axée sur le consentement, sous le slogan "Sans oui, c'est interdit".


 

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