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Parole contre parole entre le producteur Michel Zecler et deux policiers qu'il accuse de racisme

Parole contre parole entre le producteur Michel Zecler et deux policiers qu'il accuse de racisme
Capture d'écran d'une vidéo AFP avec les images de caméras de télésurveillance montrant le passage à tabac de Michel Zecler par des policiers, le 21 novembre 2020 à Paris -
 
 

Qui dit vrai? Fin février lors d'une confrontation, le producteur de musique noir Michel Zecler a persisté à accuser deux policiers de l'avoir traité de "sale nègre" fin novembre 2020 en même temps qu'ils l'ont agressé, tandis que les policiers ont exclu ces mots insultants "à l'encontre" de leurs valeurs.

Le 21 novembre 2020, en début de soirée, Michel Zecler est passé à tabac dans son studio de musique parisien après un contrôle déclenché notamment à cause d'une supposée "forte odeur de cannabis".

L'enquête pour "violences" et "rébellion" est rapidement classée et Loopsider révèle cinq jours plus tard la vidéosurveillance contredisant la version policière initiale, déclenchant l'indignation jusqu'au sommet de l'Etat.

Placés en garde à vue, les policiers reconnaissent des coups injustifiés, puis sont mis en examen le 30 novembre pour des violences volontaires aggravées par plusieurs circonstances dont celle du racisme.

Le 27 février dernier, dans ce dossier fondé sur des vidéos muettes, les deux juges d'instruction réunissent les trois protagonistes pour établir si deux des quatre policiers mis en examen ont bien qualifié M. Zecler de "sale nègre", comme il l'affirme depuis le début.

Michel Zecler est le premier à s'exprimer, "soulagé" car "peut-être la vérité va sortir", dit-il, selon des éléments dont l'AFP vient d'avoir connaissance.

D'emblée, c'est la douche froide: Aurélien L., 27 ans, qui n'a "pas dormi depuis une semaine", est "en colère parce qu'aucun propos raciste n'a été tenu" par lui ou ses collègues.

"On m'accuse de choses que je n'ai pas faites et surtout pas dites", se désole aussi Philippe T., 48 ans.

Les magistrats interrogent Michel Zecler sur ses "certitudes" et des "divergences" relevées sur ses déclarations depuis trois ans.

Celles-ci "donnent le sentiment qu'(il) entend dénoncer globalement des faits d'insultes racistes", lance un juge, quand la responsabilité pénale est "strictement individuelle".

- "Humour noir" -

Le producteur maintient avoir reçu à trois endroits, dans son studio de musique, dans ses locaux et au commissariat, ces insultes: "Sale nègre, on va te tuer, on va te défoncer, ces mots reviennent en permanence". "J'ai été insulté tout le long, difficile de dire à quel moment" précisément, reconnaît-il, d'autant qu'il a "du mal à distinguer les voix" de chacun.

En face, les deux fonctionnaires, soupçonnés par la justice d'avoir menti sur un procès-verbal clé, arguent de leur honnêteté et se posent en victimes, eux qui ont été incarcérés un mois et suspendus.

"J'aimerais que tout ne soit pas arrivé", assure Aurélien L. "Se retrouver du jour au lendemain en prison alors qu'on voulait faire l'inverse, faire le bien, c'est abominable (...). Il faut" que Michel Zecler "arrête de raconter toutes ces bêtises. Il nous a déjà suffisamment détruits", lance-t-il.

"C'est traumatisant", abonde Philippe T. "Je ne veux pas être malhonnête, j'aurais voulu faire autrement, mais cette personne m'a fait tellement de mal", ajoute-t-il, en pleurs.

Après 18 questions pour M. Zecler et 11 pour les deux policiers, les juges laissent le champ à la première avocate de Michel Zecler, Me Caroline Toby, qui aborde des messages antérieurs au drame retrouvés sur le téléphone d'Aurélien L., révélés par Envoyé spécial (France 2) en avril 2021.

D'abord, un photomontage ironisant sur Derek Chauvin, policier qui a tué en 2020 à Minneapolis George Floyd en appuyant sur son cou avec son genou, avec ce commentaire: "Quand tu dégonfles ton matelas en fin de soirée". "De l'humour noir", pour Aurélien L.

Ensuite, des messages selon lesquels "les bâtards qui foutent la merde, ce sont tous les mêmes (...), je suis dégoûté qu'(ils) soient acceptés en France". Le fonctionnaire garantit: "Mes propos n'ont pas pour but d'être raciste".

L'autre avocat de Michel Zecler, Me Serge Money, rappelle au policier qu'on a aussi retrouvé dans son téléphone le qualificatif d'"enculé" pour Michel Zecler.

"- Je ne suis pas homophobe, si je l'ai écrit c'est que cela fait partie de mon vocabulaire mais sans faire partie de mes valeurs".

- Quand vous êtes énervé, vous pouvez employer des termes qui ne correspondent pas à vos valeurs ?"

- Oui, comme tout le monde."

Me Money a demandé une reconstitution des faits "pour démontrer l'absence de raison objective au contrôle de M. Zecler, qui était un contrôle au faciès".

"Chacun est resté sur ses positions", a commenté pour sa part Me Jean-Christophe Ramadier, avocat de Aurélien L.


 

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